Page 68 - Voyages&groupe N°1
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                Quand Bordeaux met de la Garonne
>Ville L'association de Bordeaux avec le vin homonyme a occulté une belle ville XVIIIe, dont les aménagements récents ont redoublé l'intérêt. Mais, la capitale girondine reste un port sur le plus vaste estuaire d'Europe, point qu'il ne faut pas négliger.
 Radioscopie
 Le paradoxe de la Gironde, c'est d'être autant dépar- tement du vin que plus grande étendue d'eau douce de France. Et le paradoxe de Bor- deaux, c'est qu'elle a beau avoir donné son nom à un type de bouteille, on n'y voit pas une seule vigne. Les statistiques le disent : dans 55% des cas, le touriste individuel (90% de la clientèle) débarque en ville pour l'aura de Pomerol ou de Margaux. Mais cherchant entre tour Pey- Berland et place des Quinconces quelque cépage de légende, le visiteur, déçu, change de cap, vers les coteaux de Pauillac ou de Saint-Emilion. Cette contrariété est si réelle, que l'Etat tolère à titre exceptionnel que l'o ce de tourisme de Bordeaux vende des visites de chais hors des frontières communales - quand la loi le lui interdit. Piètre compensation, car la rançon de ce repêchage, c'est une découverte de ville sou- vent bâclée.
Sous la coupe anglaise
Avec les rajeunissements des quinze dernières années, les mentalités changent. Les attrac- tions paraissent, les hôtels re- poussent, les boutiques de "créa" et restaurants slow food poussent vers l'oubli échoppes provinciales et restaurateurs-traiteurs à loden. Vraie métropole du Sud-Ouest (pardon, Toulouse !), Bordeaux sort de sa grande réserve et de ses cuvées spéciales pour célé- brer, sous un jour neuf, le plus
bel ensemble XVIIIe du pays. Echappant à tout complexe, elle aime à rappeler qu'elle a été trois fois capitale française par intérim - en 1870, 1914, 1940 - aux heures les plus pitoyables de l'histoire de Paris...
Mais son histoire à elle com- mence il y a plus longtemps. De son ancêtre, la vieille Burdigala, ne subsiste que les vestiges d'un amphithéâtre de 15 000 places, le palais Gallien. Mais depuis le IVe siècle, la cité est immortalisée par les vers du plus ancien auteur Bordelais, Ausone : "Toi, célébrée pour tes vins, tes fleuves, tes grands hommes, tes bonnes moeurs et tes citoyens plein d'es- prit". Montaigne et Montesquieu, voire Mauriac et Sollers, repren- dront le flambeau.
Dès le Moyen-âge, Bordeaux as- soit sa réputation internationale en vendant jusqu'à Londres
;Lepontde pierre, symbole du pacte entre Bordeaux et la Garonne.
son claret - qui, contre toute at- tente, désigne son vin rouge. Par le remariage de la reine de France Aliénor d'Aquitaine, mère de Jean- Sans-Terre et de Richard Cœur- de-Lion, la cité passe même sous la coupe anglaise, et durant la guerre de Cent Ans, la ville sera du côté des Godons. Comme Hambourg, les liens avec le Royaume-Uni seront toujours très étroits, et de Lynch à Phelan, de Barton à Talbot, plus d'un négo- ciant ou producteur porte  ère- ment le nom anglais ou irlandais de ses aïeux.
Ratissant la Garonne avant qu'elle ne devienne Gironde, le monu- ment emblématique reste le Pont de Pierre. Ses 17 arches frappées du "N" de Napoléon raccrochent comme les maillons d'une chaîne les deux parties de la ville. Le pont est l'horizon de toute pro- menade sur les quais, boudés
68 - Voyages & groupe 01 - FÉVRIER 2017






















































































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