Page 70 - Voyages&groupe N°1
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Fourguée à sa rivale,
Lyon !
Ouverte sur le fleuve, dédoublée par son "miroir d'eau", la place de la Bourse maritime est l'ex- place Royale. C'est là et dans les cafés voisins qu'on négociait les transactions entre Cadix ou Pon- dichéry, les cargaisons pour Luanda ou Saint-Domingue, dont 130 000 esclaves. Ces temps cruels s'oublient dans l'harmonie de l'ensemble, conçu par Ange Gabriel - l'architecte de Versailles, rien de moins ! Dans les années 1920, on copia le style pour ra- jouter le bâtiment qui semblait manquer à la place : la Bourse Maritime. Peu de visiteurs décè- lent son caractère tardif.
Le Grand Théâtre avec sa galerie de 12 colonnes, eux, sont d'époque. Chaque fois que le gouvernement a déménagé ici, on y a installé l'Assemblée na- tionale. On doit la construction à Victor Louis, un autre architecte à succès, mis à contribution pour les hôtels particuliers et châteaux des grandes familles locales. Leur domaine réservé est le quar- tier des Chartrons - du nom du quai homonyme - où les grands
3questions à... Laurent Mercier
négociants logeaient pour avoir à l'oeil leurs précieux chaix et celliers. Le musée du Vin et du Négoce squatte un de ces dépôts semi-enterré - parce qu'inonda- ble -, et redonne vie à ce petit monde, de l'invention de la mèche de soufre aux étiquettes dessinées par Goya, avant de conclure sur une dégustation. Prolongeant cette découverte, le musée d'Aquitaine rassemble re- liques de l'antiquité locale et des intérieurs de l'âge d'or. Une des meilleures introductions pour as- similer la chronologie girondine. Dans un domaine plus suggestif, le musée des Beaux-Arts - re- baptisé « Musba » pour faire plus tendance - abrite des œuvres
1 Dans les anciens docks, la vie alternative, chassée du centre-ville, s’est bien développée.
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d'envergure internationales, des Noces de Brueghel à La Grèce sur les ruines de Missolonghi de Delacroix et trois Rubens! Surtout, il dévoile la sensibilité particulière à la ville, mélange ingérable de conformisme et de liberté, à tra- vers les peintres bordelais Odilon Redon le fantastique, André Lhote le méconnu, le cubiste Albert Marquais, ami de Matisse. Le musée d'Art Contemporain peut compléter cette incursion, occa- sion d'admirer les voûtes verti- gineuses des entrepôts où il élit domicile.
Au XIXe siècle, l'aristocratie passe la main à une élite plus bour- geoise. Elle entend magni er l'idéal civique, comme celui de ses députés fédéralistes, guillo- tinés en 1793, place Gambetta, alors place Nationale. On leur o re un monument, pilier de 54 m brandissant une Liberté rompant ses chaînes : la colonne des Girondins. On la dresse place des Quinconces où était érigé le Château-trompette, la Bastille bordelaise. Pour compléter, une fontaine est commandée à Bar- tholdi - auteur du Lion de Belfort et de la Liberté éclairant le monde. Recevant la note, salée, la muni- cipalité n'a plus le budget. Le sculpteur fourgue alors son œuvre à Lyon, l'éternelle rivale, qui se fait un plaisir de l'installer place des Terreaux. Finalement, en 1902, une double fontaine pleine
gérant de l’entreprise autocar Mercier (Bordeaux)
V&G : votre flotte de trois véhicules est pour beaucoup affrétée par des
groupes : comment voyez-vous la destination ?
L.M. : bien qu'étant une petite entreprise, nous sentons clairement qu'à Bordeaux le tourisme est le secteur en pleine expansion. Je note quand même que ce qui marche avant tout, ce sont les wine tours.
V&G : et la cité même?
L.M. : le Lonely Planet vient de lui donner la première place comme ville attractive en 2016 : c'est tout dire ! Bordeaux est un petit Paris, avec des joyaux en architecture, une très belle pierre de taille ; les quais et le port de la Lune qui ont été entièrement rénovés sur quatre kilomètres. La ville plaît beaucoup.
V&G : ses défauts ?
L.M. : de n'être pas accessible partout en autocar. Le centre-ville donne la priorité aux trams et aux piétons. En bus, c'est une partie di cile, et pour déposer ou aller chercher les passagers, il faut se plier à des tracés très précis. Une autre critique à faire à Bordeaux - nous venons d’ailleurs d'envoyer un courrier à la mairie en ce sens - c'est le parking des autocars à la gare : c'est un peu l'horreur. A part cela, je suis originaire du nord, plus précisément de Paris... et d'Islande. Je suis ici depuis sept ans, et le climat, c'est autre chose !
70 - Voyages & groupe 01 - FÉVRIER 2017
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