Page 26 - MOBILITES MAGAZINE N°24
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Politiques & institutions
filiale de la SNCF fait de la résis- tance et où, le champion allemand n’a pas l’intention de se laisser faire.
Stratégie européenne
Car contrairement au marché bri- tannique, enserré dans une île, le marché français est une plaque tournante au niveau européen. Il s’agit de desservir des capitales européennes, des capitales régio- nales, et d’effectuer des liaisons internationales à fort potentiel (avec l’Espagne notamment). Ce qui va vite apparaître paradoxal en France, c’est le décalage entre les intentions de développement telles que formulées par le gou- vernement, notamment, la frilosité de la profession d’autre part (peu intéressée par l’open access, mais plutôt par des appels d’offres, ce qu’elle tentera de promouvoir d’ail- leurs, mais en vain), et surtout la faiblesse des infrastructures dis- ponibles. Il faut dire que la France n’a quasiment plus de gares rou- tières privées, et que des approches autocentrées des agglomérations constituent un obstacle à l’accès aux équipements et autres amé- nagements nécessaires au déve- loppement du marché par des
opérateurs non urbains. Ce n’est pas pour rien si, depuis des dé- cennies, notamment à travers le thème de l’intermodalité, une po- litique est toujours repensée, tou- jours recommencée. Mais quand on a une stratégie européenne, et on le verra pour tous les opérateurs, la situation française ne manque pas d’être paradoxale : il est si dif- ficile d’ouvrir les infrastructures à des services qui pourtant, pour la clientèle, sont complémentaires (un réseau de tram avec un réseau de cars, un réseau de cars avec un réseau de bus, etc.)
Le problème des gares
Au Royaume-Uni, des gares privées côtoient des gares publiques, et leur utilisation c’est naturellement répartie entre les opérateurs. Me- gabus, qui opère essentiellement sur les lignes transversales, évite les gares routières fréquentées par la National Express. Des opé- rateurs indépendants ont fait leur entrée mais n'ont pas survécu longtemps face à la National Ex- press. Toujours la même histoire : trop petit, trop faible. Cela s'ex- plique en partie par le peu de gares routières existantes et par le fait que certaines appartiennent
à la National Express.
Les pôles d’échanges multimodaux (PEM), des gares routières aug- mentées d’un point de vue concep- tuel, constituent ainsi un maillon essentiel de l’attractivité des ré- seaux de transports publics. Ils « doivent être développés afin d’assurer un maillage territorial cohérent, fondé sur les besoins de mobilité » (FNTV). En France, l’accès des services réguliers de transport aux aménagements de transport routier est prévu par le code des transports. « Cependant, les capacités d’accueil des agglo- mérations restent insuffisantes. Notamment, l’accès des services librement organisés reste difficile dans certaines villes ». Quand elles existent, elles ne sont pas toujours ouvertes aux services librement organisés, mais plutôt aux services conventionnés urbains et non ur- bains de voyageurs, conséquence d’une segmentation trop forte des acteurs publics du secteur : histo- riquement les communes, dépar- tements, régions. Des contre- exemples existent, comme à An- gers, mais la gestion équitable d’une infrastructure essentielle est une question complexe. Chaque service a une légitimité dans le dispositif que constituent les trans- ports publics, et celle des services librement organisés est bien moin- dre que celle des services conven- tionnés, il faut bien le dire, du côté des élus.
L’abandon de la concession
Rien de choquant, toutefois, dans un pays qui a, sur impulsion et fi- nancement publics, fortement dé- veloppé les transports publics, là où le développement a été assuré par une approche plutôt privée. Mais la différence entre les deux pays n’est pas que dans le domaine routier, dans le domaine ferroviaire aussi, le Royaume-Uni a misé sur le privé, là où la France, elle, misait
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