Page 43 - Voyages&groupe n°18
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                gré le cosmopolitisme d'Odessa, son allure générale reste celle d'une Europe fort occidentale, qui accueillait, par quartier en- tiers, artistes italiens, Grecs com- ploteurs, francs-maçons anglais, armateurs apatrides et négociants de tous les pays, gages d'un des- tin prospère où l'indépendance d'esprit et la haine des censeurs faisait écho au troc des denrées et des lettres de changes. Agréable promenade, le jardin des Sculptures reflète avec hu- mour ce côté éclectique de la vie locale.
Un escalier célèbre... où il ne se passa rien
Le duc de Richelieu aussi a sa statue. Couronnée à la romaine, elle bénit toujours la mer, perchée sur un cube où une Justice aux seins avantageux essuie les at- touchements des badauds. Autre rondeur, un boulet de canon est resté coincé là, depuis le bombardement de 1854, en pleine guerre de Crimée, quand la marine franco-anglaise prenait le parti du sultan contre celui du tsar. Juste en dessous dévale le décor fétiche du Cuirassé Po- temkine : l'immense escalier qui est à peu près tout ce que le
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grand public connaît d'Odessa. Encore parle-t-on de ceux qui se souviennent de l'"inoubliable" chef-d'œuvre d'Eisenstein, passé de mode, même dans les ciné- clubs...
Aux débuts d'Odessa, on accède à la rade par de fastidieuses sentes en zigzag.
En 1825, la cité passe donc com- mande d'un "escalier de la Mer" auprès du sarde Francesco Boffo, qui vient de concevoir pour Ta- ganrog (plus à l'est) un raccourci de 188 marches liant la ville haute à son port, sur la mer d'Azov. La concrétisation ne se fera qu'en 1837, grâce au talent de l'ingé- nieur anglais John Upton, en fuite pour fausses factures. L'escroc
y glisse son goût pour la triche : lorsqu'on regarde son œuvre d'en haut, on n'en voit que les neuf paliers, et d'en bas, que les 192 marches. Par une autre ruse op- tique, son escalier semble aussi plus long.
Upton a joué sur la longueur des marches, celle d'en bas (22 m) mesurant presque deux fois celle d'en haut (12,50 m).
En 1905, une première révolution fait vaciller Nicolas II : ancré dans le port d'Odessa, le cuirassé Po- temkine s'est mutiné pour cause de viande avariée. La ville prend parti pour l'équipage. Le tsar dé- crète la loi martiale. La troupe tire, tuant des centaines de civils dans les avenues du centre.
En 1925, pour les 20 ans de cet épisode annonciateur d'octobre 1917, le peintre-propagandiste Malevitch commande une rétros- pective au cinéaste bolchevik Ei- senstein.
Le beau Sergeï voit dans l'escalier un symbole de la chute du sou- lèvement populaire. Faisant bon marché de la vérité historique, il y transplante donc les gardes tsaristes, tirant sur une foule qui fuit vers le port. Edouard Tillé, son chef oppose des rails sur le côté, et filme pendant une se-
Hors de France
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     VOYAGES & GROUPE 18 - OCTOBRE 2018 - 43


















































































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