Page 44 - Voyages&groupe n°18
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                  maine depuis un wagonnet : tout cela pour huit minutes à l'écran, mais huit minutes de scène-culte : Hitchcock dans Correspondant 17 (1940), Woody Allen dans Bananas (1971), Coppola dans Le Parrain feront de fines allu- sions au massacre sur l'escalier d'Odessa, la palme revenant à Brian de Palma avec sa fusillade sur les marches de Central Sta- tion, dans Les Incorruptibles (1987).
Après avoir remplacé le marbre vert de Trieste par du grès rose local, Staline rebaptise l'escalier
de la Mer "escalier Potemkine", en l'honneur d'un événement qui n'a donc jamais eu lieu. En 2009, les nationalistes lui redonneront son nom d'origine, traduit en ukrainien, bien sûr !
Une population juive, jadis au tiers
Pour remonter du bord de mer sans fatigue, l'escalier est flanqué d'un "Founikouler". Les plages d'ici sont agréables, en dépit des algues et des foules. On y goûte le plaisir de faire trempette dans la petite vie balnéaire de la mer
Noire : baigneurs bronzant de- bout, "naturistes" avec autocol- lants pour masquer les parties intimes, enfants buvant le kvas (pain de seigle fermenté), vieux à chapeau poussant leurs pièces d'échecs...
Si l'on veut éviter la surpopulation de la plage de Langeron, en pleine ville, il faut descendre un peu au sud, jusqu'à Bolchoï Fontan, où l'accès se fait par escalier, sente ou téléphérique, car la côte est très abrupte. Avec ses colonnades façon Las Vegas et ses boîtes nouveau-riche, Arkadia concentre, elle, la modernité kitsch et naïve de l'après-communisme : une amusante sortie nocturne.
A ceux que la baignade laisse dubitatif, on peut proposer une autre option : se plonger dans la visite (trois heures) d'une partie infime des 1000 km de galeries des "catacombes" d'Odessa. Comme celles de Rome, ces car- rières ponctuées de graffitis ser- virent à construire en surface. Par la suite, les contrebandiers en firent leurs entrepôts, les ma- quereaux des prisons pour la traite des blanches, les gangsters et les révolutionnaires des foyers de complots.
Enfin les partisans s'y cachèrent, après avoir fait sauter le quartier général de l'armée roumaine, qui occupait Odessa pour le compte de Hitler. La répression se rabattra sur 100 000 juifs et tziganes, dont 5 000 seront pendus le même jour, à chaque réverbère. Dès la fondation de la cité, la population juive était nombreuse. Le premier recensement comptait déjà 240 israélites pour 100 Russes seulement. En vertu des oukases (décrets) des tsars, les Evreï (Hébreux) ne pouvaient ha- biter que les ghettos du sud de l'empire, y imposant une certaine ouverture d'esprit.
Cela n'allait pas sans jalousie :
 6 questions à...
Luc Le Saos responsable de destinations chez Salaün Holidays
  Voyages & groupe : vous venez de mettre Odessa dans votre tout dernier catalogue : une
nouveauté ?
Luc Le Saos : j'espère que c'est
plutôt un début : l'an dernier,
nous avons déjà fait 71 passagers
en GIR, et même un groupe consti-
tué ! Je tiens quand même à pré-
ciser qu'Odessa n'est qu'une des trois étapes d'une trilogie ukrainienne, avec Kiev et Lvov, une autre ville magnifique. Pour 2019, nous avons programmé cinq départs, à partir d'un vol Air France sur Kiev. L'Ukraine reste marginale, mais Michel Salaün et moi aimons beaucoup ce pays. Nous y croyons.
V&G : comment percevez-vous
Odessa ?
L.L.S. : c'est à la fois une ville méditerranéenne et slave, je dirais même russe, ce qui la rend très savoureuse. Le climat est très agréable, même en plein été. L'Ukraine est connue pour son climat continental extrême, et on a tendance à complètement oublier cette partie sud, plus douce.
V&G : que prévoyez-vous dans vos
programmes ?
L.L.S. : les grands classiques : la visite des cata- combes, de l'opéra, du marché, du musée des Beaux-Arts... et l'escalier Potemkine, bien sûr, sans oublier une promenade sur la mer Noire.
Nous restons à Odessa presque deux jours pleins.
V&G : les liaisons entre
les trois cités se font en
autocar ?
L.L.S. : non. En train-couchettes. Ils sont très bien pour les groupes. Pour l'instant, opter pour un vé- hicule serait tabler sur une base 15, ce qui jouerait considérable-
ment sur les coûts.
V&G : est-il facile de travailler avec
les réceptifs ukrainiens ?
L.L.S. : oui et non. De temps en temps, les conducteurs ne connaissent pas bien le chemin et on a des retards. C'est un peu comme l'Algérie : c'est juste parce qu'ils ont peu de touristes. Si l'on a un minimum d'indulgence, tout se passe bien.
V&G : comment expliquer ce
manque de succès de l’Ukraine sur
le marché français ?
L.L.S. : les gens achètent sur des noms. "Ukraine" n'est pas un joli mot qui fait rêver. Et puis, il y a l'image. Après avoir traîné celle de Tchernobyl, l'Ukraine doit à présent ajouter celle de la guerre avec la Russie. A quoi bon mettre une étape de plus pour élargir le circuit ? Ce serait forcément des villes qui ne disent rien à personne. Pour le coup, la perte de la Crimée est vraiment dom- mageable : on ne peut pas rajouter quelque chose aux circuits.
44 - VOYAGES & GROUPE 18 - OCTOBRE 2018
 Hors de France


























































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