Page 37 - Les Misérables - Tome I - Fantine
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ancienne famille normande de la généralité de Caen. Il y a cinq cents ans
                  d’un  Raoul  de  Faux,  d’un  Jean  de  Faux  et  d’un  Thomas  de  Faux,  qui
                  étaient des gentilshommes, dont un seigneur de Rochefort. Le dernier était
                  Guy-Étienne-Alexandre et était mestre de camp, et quelque chose dans les
                  chevau-légers de Bretagne. Sa fille Marie-Louise a épousé Adrien-Charles
                  de Gramont, fils du duc Louis de Gramont, pair de France, et colonel des
                  gardes françaises et lieutenant général des armées. On écrit Faux, Fauq et
                  Faoucq.
                     « Bonne madame, recommandez-nous aux prières de votre saint parent,
                  M. le cardinal. Quant à votre chère Sylvanie, elle a bien fait de ne pas perdre
                  les courts instants qu’elle passe près de vous pour m’écrire. Elle se porte
                  bien, travaille selon vos désirs, m’aime toujours. C’est tout ce que je veux.
                  Son souvenir par vous m’est arrivé, je m’en trouve heureuse. Ma santé n’est
                  pas trop mauvaise, et cependant je maigris tous les jours davantage. Adieu,
                  le papier me manque et me force à vous quitter. Mille bonnes choses.


                                                                              « Baptistine.



                     «  P.S.  –  Votre  petit-neveu  est  charmant.  Savez-vous  qu’il  a  cinq  ans
                  bientôt ! Hier il a vu passer un cheval auquel on avait mis des genouillères,
                  et il disait : Qu’est-ce qu’il a donc aux genoux ? – Il est si gentil, cet enfant !
                  Son petit frère traîne un vieux balai dans l’appartement comme une voiture,
                  et dit : Hu ! »



                     Comme on le voit par cette lettre, ces deux femmes savaient se plier
                  aux façons d’être de l’évêque avec ce génie particulier de la femme qui
                  comprend  l’homme  mieux  que  l’homme  ne  se  comprend.  L’évêque  de
                  Digne,  sous  cet  air  doux  et  candide  qui  ne  se  démentait  jamais,  faisait
                  parfois des choses grandes, hardies et magnifiques, sans paraître même s’en
                  douter. Elles tremblaient, mais elles le laissaient faire. Quelquefois madame
                  Magloire essayait une remontrance avant ; jamais pendant ni après. Jamais
                  on ne le troublait, ne fût-ce que par un signe, dans une action commencée.
                  À de certains moments, sans qu’il eût besoin de le dire, lorsqu’il n’en avait
                  peut-être pas lui-même conscience, tant sa simplicité était parfaite, elles
                  sentaient  vaguement  qu’il  agissait  comme  évêque  ;  alors  elles  n’étaient
                  plus que deux ombres dans la maison. Elles le servaient passivement, et,
                  si c’était obéir que de disparaître, elles disparaissaient. Elles savaient, avec
                  une admirable délicatesse d’instinct, que de certaines sollicitudes peuvent






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