Page 54 - Peppone #2
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qu’elles livrent avec les hommes sont en ce sens signi-  catives : Malé que se transforme en dragon face au prince Philippe, Mme Mim  nit elle aussi par se métamor- phoser en dragon dans son duel avec Merlin, et Ursula prend tout simplement des proportions gigantesques à la  n de La petite sirène. Leur volonté d’usurper le pou- voir masculin est aussi illustrée par leur réappropriation de pratiques traditionnellement réservées aux hommes. Elles conduisent agressivement (comme Médusa dans Les Aventures de Bernard et Bianca, ou encore Cruella dans Les 101 dalmatiens), elles fument (Cruella), tirent à la carabine (Médusa), etc.
Pour toutes ces raisons, et parce que, au  nal, elles possèdent ou cherchent à obtenir un pouvoir sur les hommes, ces femmes sont une menace pour l’ordre patriarcal. Disney les représente donc comme des créa- tures diaboliques, des monstres. Mais pourquoi sont- elles si méchantes ? Pourquoi ne restent-elles pas plutôt à leur place de femmes soumises ? C’est tout de même mieux quand chacun(e) est bien à sa place, bien dans son rôle, comme dans Taram et le chaudron magique, où la femme est contente de faire de la couture pendant que l’homme astique son épée.
Disney est là pour nous expliquer ce qui ne tourne pas rond chez elles. C’est simple : elles ont juste un problème avec leur féminité... Dans la plus grande tradition misogyne, Disney nous sert ainsi à la louche des stéréotypes tous plus sexistes les uns que les autres, avec d’un côté celles qui ne sont pas assez femmes, et de l’autre celles qui le sont trop. On retrouve ici un exemple typique de double contrainte (« double bind ») qui permet aux hommes de conforter leur pouvoir sur les femmes. En effet, du fait de cette double contrainte, les femmes sont constamment placées sur la sellette, jamais certaines d’être comme il faut, et donc toujours sus- ceptibles d’être critiquées ou méprisées. Les hommes jugent, les femmes sont jugées, et la domination mas- culine peut donc tranquillement se perpétuer. Mais reve- nons aux deux écueils que les femmes ont absolument à éviter : être trop ou pas assez féminines.
Quand on n’est pas assez féminine, on fait partie de la race des « frigides », des « coincées » ou autres « mal baisées ». Ces spécimens sont facilement recon- naissables à leur air hautain et froid, à leur ton sec et autoritaire, ainsi qu’à leurs vêtements serrés qui re- couvrent l’intégralité de leur corps. C’est par exemple la reine de Blanche-Neige, la marâtre de Cendrillon, ou Malé que dans La belle au bois dormant. A l’oppo- sé, quand on est trop féminine, on tombe alors dans la catégorie des « hystériques », des « putes », ou autres « nymphomanes ». Celles-ci sont facilement reconnais- sables à leur exhubérance : elles parlent beaucoup et fort, s’habillent avec mauvais goût, se trémoussent de manière vulgaire. En bref, elles en font toujours trop et ne savent vraiment pas se tenir. On reconnaît là Mé- dusa dans Les Aventures de Bernard et Bianca, Ursula dans La petite sirène, Cruella dans Les 101 dalmatiens, ou encore Izma dans Kuzco. Au  nal, qu’elles soient « fri- gides » ou « délurées », ces pauvres femmes ont au fond toutes le même problème : elles n’ont pas trouvé l’homme qui leur fallait et, comble de l’hérésie, elles ne le cherchent même pas. Les malheureuses, ne savent- elles pas qu’il n’y a rien de plus terrible au monde pour une femme que d’être sans homme ? C’est bien connu pourtant : le seul destin souhaitable pour un être humain doté d’un utérus est de devenir une femme, une vraie, qui rigole bêtement dès qu’un homme ouvre la bouche, qui trouve toute ses idées géniales (comme Anita qui s’exclame à la  n des 101 Dalmatiens : « Oh, Roger, ça c’est de l’inspiration ! »). Une femme qui, comme Jasmine à la  n d’Aladdin, le comprend, le pardonne, et l’aime envers et contre tout.
intimidation, the classic masculine weapons. Their metamorphoses during hand-to-hand combat with men are signi cant in this respect: Male cent turns into a dragon when  ghting Prince Phillip, and Madam Mim also ends up transformed into a dragon in her duel with Merlin. And Ursula simply takes on gigantic proportions at the end of The Little Mermaid. Their determination to usurp male power is also shown in the way the female villains behave in ways traditionally associated with men. They are aggressive drivers (Madame Medusa in The Rescuers or Cruella in 101 Dalmatians), they smoke (Cruella), shoot guns (Madame Medusa), etc.
For all these reasons, and because, in the end, they have or seek to have a power over men, these women are a threat to the patriarchal order. Disney portrays them as diabolical creatures, as monsters. But why are they so evil? Who don’t they know their place as submissive women? Would it not be better if everyone were in his (and her) place, in their right role, like in The Black Cauldron, where the woman is happy to sew and the man polishes his sword?
Disney is there to explain what is wrong with these women. It’s simple: they just a problem with their femininity... In the great misogynistic tradition, Disney serves up ever more sexist stereotypes, with women who are not feminine enough on the one hand, and women who are too feminine, on the other. This is a typical example of the double bind, enabling men to reinforce their power over women. The double bind means that women are continually in the dock, never sure of acting as they should and so always liable to be criticised or held in contempt. Men judge, women are judged, and male domination can be perpetuated undisturbed. But let us look at the two pitfalls that women must absolutely avoid: to be too feminine or not feminine enough.
When you are not feminine enough, you are one of those «frigid», «inhibited» or «sex-starved» women. This kind of individual is easily recognisable with her cold and haughty manner, curt and authoritarian tone of voice, as well as their close- tting clothes covering their entire body. This is the case, for example, of the Queen in Snow White, Lady Tremaine in Cinderella and Male cent in Sleeping Beauty. On the other hand, when women are too feminine, they are categorised as «hysterical», «whores» or «nymphomaniacs». They are easy to spot because of their exuberance: they talk a lot and loudly, they dress in poor taste, and they swing their hips in a vulgar way. In short, they are always over the top and don’t know how to behave. These characters include Madame Medusa in The Rescuers, Ursula in The Little Mermaid, Cruella in 101 Dalmatians and Izma in The Emperor’s New Groove. All in all, whether they are «frigid» or «brazen», all these poor women basically have the same problem: they have not found the right man, and to top it all, they are not even looking for one. The poor things, don’t they know that there is nothing worse in the world for a woman than to be without a man? And yet everyone knows that the only desirable fate for a human being with a uterus is to become a woman, a real woman, who giggles whenever a man opens his mouth, who  nds all his ideas incredibly clever (like Anita, exclaiming at the end of 101 Dalmatians: «Roger, that’s truly an inspiration! »). A woman like Jasmine at the end of Aladdin understands him, forgives him and loves him, whatever happens.


































































































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