Page 10 - EXTRAIT ANACALYPSE
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reprendre le contrôle sur des événements qui leur échappaient,
              d’autres enfin parce qu’ils rêvaient d’acquérir le pouvoir, sous
              quelque  forme  que  ce  soit.  Rares  étaient  ceux  qui  avaient
              depuis toujours écouté l’appel des anciens lieux de culte, qui
              ressentaient dans leur chair et leur âme la puissance des sites
              abandonnés.
                 Alors que  l’aube  aux doigts  de  rose  baignait leur  petit
              univers, douze de ces adorateurs de l’antique panthéon grec
              luttaient contre la fatigue qui suit des heures de prières et de
              sacrifices. L’ivresse de la nuit s’évaporait avec la rosée.
                 Dans les ruines de la tholos, six femmes et six hommes,
              habillés de longues tuniques en lin et coton blanc tissés dans
              les  villages  des  régions alentour faisaient  cercle  autour des
              cadavres d’animaux – quelques chèvres, un agneau. Et tandis
              que le soleil se levait et faisait scintiller la mer au loin de reflets
              mordorés, les humeurs s’échauffaient.
                 En ces années difficiles pour la nation hellène, on n’avait
              pas trouvé de taureau, et certains craignaient que les dieux
              n’en fussent colère ; d’autres leur rétorquaient que les dieux
              lisaient les intentions et que peu leur importait le détail du
              culte  qu’on  leur  vouait.  Quelques-uns  restaient  silencieux,
              parce que  leur  éducation  rationnelle reprenait le  dessus  et
              qu’ils n’osaient dire à voix haute que les dieux se foutent pas
              mal des humains, avec ou sans taureau.
                 Quelqu’un fit remarquer que le sang humain pouvait être
              plus puissant encore.
                 On éleva la voix. Les  mains commencèrent  à se  faire
              menaçantes. On se bouscula.
                 Une  vieille  femme  fut  jetée  à  terre  par  un  homme  à  la
              carrure d’athlète.
                 Alors, le ciel s’assombrit, le vent se leva, la mer grossit ; la
              montagne gronda, des effluves de soufre jaillirent de failles
              cachées ; la terre trembla, et au loin des explosions retentirent.



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