Page 10 - Fly Tox
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Fly Tox
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La statue ténébreuse sort de son inquiétante immobilité.
- Béatrice ? Qui c’est celle-là ? Qu’est-ce que tu m’as encore inventé là ? C’en est assez, je monte.
Effrayé, Calliste saisit la boîte à chaussures n°8, taille 44, l’ouvre et déverse le contenu sur la chose en blouse orange. Tout d’abord, elle ne saisit pas tout de suite ce qui atterrit sur sa peau, dans ses cheveux, son décolleté généreux, ses plis disgracieux. C’est comme dans un film, au ralenti. Une autre boîte succède à la première, puis une autre, et encore une autre. Bientôt, elle est recouverte de mouches et de larves de la tête aux pieds. Elle hurle et se précipite vers la colline éclairée par un rayon de lune. Mais sa masse l’empêche bien vite de reprendre haleine. Elle étouffe, elle suffoque, des mouches plein les yeux, des asticots plein la bouche.
Calliste s’allonge sur le lit. Il entend les râles de m’ma, en bas. Il sait que chaque mouche grignote un arpent de vie et emporte avec elle dans les nuées noires un morceau du secret de sa naissance. Cette idée le remplit de joie. Comme sa mouche verte décapitée, m’ma va bientôt succomber. Satisfait, l’imagination enfin repue, il s’endort.
Cette nuit-là, Calliste ne rêve pas. Son monde imaginaire a rejoint son monde réel, et il n’a plus de souci à se faire.
Le matin arrive. Calliste a beaucoup de travail en perspective : raser le potager, brûler tout le contenu du frigo, les jambons qui pendouillent dans la réserve, les conserves alignées dans la cave, toute cette bouffetance qu’il n’aura jamais à avaler. Ensuite, laver à grandes eaux la maison, ranger la vaisselle dans des



























































































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