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                                La Tribune des travailleurs - No264 - Jeudi 12 novembre 2020
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  CRISE SANITAIRE
    Centre hospitalier d’Avignon
« Ils annoncent l’ouverture de lits Covid. C’est faux »
La parole à Christophe Delrey, secrétaire général du Lsyndicat FO du centre hospitalier d’Avignon (Vaucluse)
e personnel est très en colère. professionnelle. Pire, sur consigne Il doit faire face à une deuxième de la direction, la médecine du tra- vague de malades Covid-19 qui vail oblige les agents positifs à venir est bien plus importante qu’en travailler s’ils sont asymptomatiques,
  mars dernier et aucune mesure n’a été prise depuis. Il n’y a eu aucun recrutement ni ouverture de lits depuis mai. Ils annoncent l’ouverture de lits Covid. C’est faux. Ce sont des lits de chirurgie et de médecine qui sont fermés pour être transformés en lits Covid. Toutes les activités chirur- gicales « non urgentes » sont arrêtées. Alors que cette deuxième vague était plus que prévisible, ils n’ont formé aucun personnel au travail en réani- mation. Ce sont des infirmières anes- thésistes et de blocs opératoires qui sont affectées en catastrophe sur les réanimations. Mais ces personnels n’ont pas bénéficié de la formation requise pour des soins en réanima- tion. Les horaires et les plannings sont remis en cause du jour au lende- main. Les journées de douze heures sont généralisées pour « pallier » le manque crucial de personnel. Le personnel qui est affecté en réanima- tion ne reçoit que dix plateaux repas alors qu’ils sont plus de cinquante. La colère ne cesse de monter car au moins cent vingt collègues ont été contaminés au travail. Appliquant le décret du gouvernement, la direction refuse de les reconnaître en maladie
car il manque du personnel partout. Ceux qui sont obligés de s’arrêter subissent le jour de carence et seront pénalisés au niveau de la prime de service. C’est inacceptable. Mal- gré les demandes des syndicats, la direction refuse de doter les services non Covid de masques FFP2 car cela coûte trop cher. Du coup, de nom- breux clusters de patients et d’agents ont été identifiés dans les services non Covid.
Aujourd’hui, la situation dans le Vaucluse est comparable à celle des hôpitaux de l’Est en mars dernier. Il y a à ce jour 187 patients Covid dans notre hôpital. Plus de 70 % des soins pour les patients non Covid sont déprogrammés. Nos réanimations sont débordées et par trois fois on a dû évacuer en avion des patients en réanimation vers d’autres régions. Mais maintenant que la vague gagne tout le pays, comment le personnel pourra-t-il tenir alors que l’agence régionale de santé prévoit que le pic de la vague risque d’arriver d’ici à deux ou trois semaines ? n
Propos recueillis par Pierre Tribouillard
    CHU de Nice
« Il y a une volonté délibérée de ne pas embaucher »
La parole à Stéphane Gauberti, secrétaire général du Lsyndicat CGT du CHU de Nice (Alpes-Maritimes)
e nombre de lits a diminué. qualifié. Ce personnel pourrait Par exemple, sur l’hôpital de ensuite, par la formation et la pro- gérontologie de Cimiez, pour motion professionnelle, accéder des raisons sanitaires, les à un grade supérieur. Dès la pre-
  Le gouvernement mène campagne sur le thème : « Braves gens, l’épidémie se développe à cause de votre imprévoyance.Vous ne respectez rien. » Allons donc, commode pour évacuer sa propre responsabilité. Dans ce registre,
le Premier ministre, Jean Castex, vient de faire fort. Il dénonce « une résistance de la part de gens qui veulent se rendre à leur travail ». Soulignons qu’il ajoute : « Il y a toujours des gens qui disent qu’on a qu’à augmenter le nombre de lits. Mais ce n’est pas possible ! » Mais les faits sont là. Ils sont autant d’actes d’accusation contre l’incurie de ce gouvernement. Correspondants, continuez à nous envoyer vos témoignages. n
Pierre S.
chambres à deux lits sont passées à un lit. Actuellement, sur tout le département, pour toutes les pathologies, il n’y a que 28 lits dis- ponibles* !
Trois, quatre lits sont ouverts par-ci, par-là pour répondre à la montée en charge du Covid, mais, avec le manque de personnel, cela se fait par la transformation de lits de spécialités dites non essentielles (traumatologie...), c’est-à-dire au détriment d’autres malades. Et malgré cela, on va vers une saturation complète ! Il y a une volonté délibérée de ne pas embaucher.
Il faut embaucher du person- nel qui pourrait assurer la distribu- tion des repas, le ménage, libérant ainsi du temps pour le personnel
Urgences de l’Hôtel-Dieu (Paris)
135 euros d’amende pour les syndicalistes hospitaliers !
La parole à Vincent Martin, secrétaire du syndicat FO de l’hôpital Cochin
mière vague, cela aurait pu être anticipé, mais ce n’est pas le cas.
Que propose le gouverne- ment ? Le paiement d’heures sup- plémentaires, et il donne plein pouvoir au préfet pour réquisi- tionner, organiser la mobilité du personnel dans le groupement hospitalier de territoire.
C’est l’hôpital public, les malades, le personnel, qui trinquent !
Épuisés, déçus, les agents sont au bout du rouleau et, sans mesures massives d’embauche immédiate, l’hôpital public ne pourra plus faire face à la situa- tion. n
* À la date du 3 novembre, alors que l’épidémie est encore limitée !
   Peux-tu nous expliquer ce qui s’est passé le vendredi 6 novembre ?
À la suite de la décision scandaleuse de la direction générale de l’AP-HP de fermer les urgences de l’Hôtel-Dieu, un rassemblement a eu lieu devant l’hôpi- tal. J’ai pris la parole, au nom de mon organisation syndicale, afin d’exiger que ces urgences soient rouvertes. Elles sont indispensables pour désengorger toutes les autres structures de l’AP-HP qui sont aujourd’hui saturées. Mais, à peine arrivés à ce rassemblement, de nombreux policiers nous attendaient. Ils nous ont encerclés, pris dans une nasse et ont procédé à la verbalisation de nombreux hospitaliers, en particu- lier des responsables syndicaux CGT et FO.
Quel est ton sentiment aujourd’hui ?
Mon organisation syndicale se bat et continuera de se battre pour défendre
les hôpitaux et les personnels, le droit aux soins pour tous, d’autant plus que nous sommes en pleine pandémie. Pour ce gouvernement, ce n’est pas accep- table et... c’est 135 euros d’amende ! Tu manifestes contre la fermeture des urgences de l’Hôtel-Dieu en pleine crise sanitaire, c’est un délit et tu es verba- lisé ! Dans quel monde vit-on ? Les vrais coupables, ceux qui devraient être ver- balisés, sont ceux qui ont fermé les lits, les services depuis des années et qui décident aujourd’hui d’aggraver encore la situation en fermant les urgences de l’Hôtel-Dieu. Les vrais coupables, c’est le gouvernement et ceux qui les sou- tiennent. Je tiens à préciser que Mme Hidalgo est présidente du conseil de sur- veillance de l’AP-HP. Elle peut bloquer la fermeture. n
Propos recueillis par Jean-Pierre Daymard
• Je suis ouvrier à l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). J’ai accepté de rem- placer mes collègues pendant les vacances scolaires en travail- lant sur deux postes à la fois. En remerciement, début novembre, on m’apprend que mes vacances posées pour deux semaines en novembre sont annulées. Je suis épuisé et je dois toujours en faire plus pour compenser le manque de personnels ouvriers. J’en ai marre et je pense à quitter l’AP- HP.
• Les augmentations de salaire annoncées à la suite du Ségur viennent d’arriver. On découvre qu’elles ne sont pas dans le salaire indiciaire. Comme d’habitude, ce gouver- nement parle mais ne respecte pas ses engagements, à l’image de Macron, lors de ses promesses de campagne, de ne pas toucher aux retraites...
• Les hospitaliers en ont marre. Je vois des infirmiers et des aides-soignants en psychia- trie qui s’en vont parce qu’ils voient la dégradation qu’il y a eu depuis des années. Le manque d’effectifs, par conséquent le manque de temps accordé aux patients, s’accentue considéra- blement. Nous avons l’impres- sion de faire de plus en plus de tâches administratives au lieu de faire du relationnel et de consi- dérer le patient.
• J’ai appris également par des collègues que des formations d’aide-soignant allaient être réduites à quinze jours, au lieu d’un an, et, pour les infirmiers, à deux ans au lieu de trois ! Mais où on va ? C’est hallucinant et ça fait peur. Vous voulez être soigné par des gens formés à la va-vite, tout ça parce que le gouvernement fait en sorte que les métiers de la santé deviennent peu attractifs ?
• On se fout de nous, la fameuse augmentation promise par le gouvernement ne reste pas moins qu’une petite prime (inti- tulée complément de traitement titulaire), qui ne compte pas pour le calcul de la retraite. Ah ben, si on enlève toutes les primes qui font nos salaires, on n’est pas loin du Smic, ce n’est pas une blague !
• En plus, le personnel hospita- lier qui contracte le Covid-19 n’est pas reconnu en maladie profes- sionnelle, mais en arrêt maladie classique pour le moment dans notre établissement.
• Derniers mots pour résu- mer : c’est déplorable pour les soignants et dégueulasse pour les patients ! n
Correspondances de l’hôpital Jean- Verdier à Bobigny (Seine-Saint- Denis), de l’hôpital Tenon, à Paris, de l’hôpital de Nemours (Seine-et-Marne)
Entendu chez les personnels hospitaliers
      SASIN TIPCHAI / PIXABAY






















































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