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La Tribune des travailleurs - No264 - Jeudi 12 novembre 2020
 ACTUALITÉ
Faudrait-il se réjouir des annonces de Blanquer ?
Allégement d’effectifs ?
Oui, mais comment ?
L
blées générales, la colère monte. Droits de retrait et décisions de grève se multiplient. Pour trouver une échappatoire, le ministre déclare sur France Inter le 2 novembre : « Il y a la possibilité de faire des demi-groupes », incitant les enseignants à réclamer eux- mêmes des demi-groupes en alternance. Le ministre prive ainsi toute une génération du droit à bénéficier des heures d’ensei- gnement qui leur sont dues. Le SNES-FSU demande « le passage à un fonctionnement en demi-groupe, selon des modalités d’orga- nisation à définir (alternance de semaines, de jours, etc.) ». Pourtant, fortes de l’expé- rience du dernier confinement, des dizaines d’assemblées générales refusent d’opposer la protection de la santé et le maintien des heures de cours. Vingt-sept personnels du lycée Joliot-Curie, à Aubagne (Bouches-du- Rhône), avec les sections syndicales SNES, SNFOLC, CGT, SUD, SIAES, dénoncent « la division de nos classes par deux, mais sans aucun recrutement, cela signifie la suppres- sion de la moitié des cours pour nos élèves ». « Nous exigeons donc le recrutement d’en- seignants... » Mêmes revendications pour l’assemblée générale du lycée Van-Der- Meersch, à Roubaix (Nord). Les personnels du lycée Le Garros, dans le Gers, exigent « des salles mobiles afin d’accueillir les dé- doublements et d’assurer toutes les heures de cours prévues aux programmes ». Cent cinquante-six professeurs des écoles et AESH* du Val-de-Marne avec les syndi- cats SNUDI-FO, SNUipp-FSU, SUD et CGT réaffirment leur exigence de « recrutement massif de personnels permettant le main- tien de la totalité des heures d’enseignement dues aux élèves ».
Le 5 novembre, Jean-Michel Blanquer annonce que chaque établissement peut décider l’alternance des cours en présen- tiel et en distanciel. Le même jour, les fédé- rations syndicales FSU, FO, CGT, Snalc, SUD et SNCL-FAEN appellent à une grève nationale le 10 novembre pour demander au ministre « de procéder dès à présent au recrutement de ces personnels, en particulier en ayant recours aux listes complémentaires des concours » et « les allègements d’effec- tifs demandés par les équipes éducatives.». Demander l’« allègements d’effectifs » ne dit pas comment y parvenir.
Dédoublement avec réduction de moitié des heures de cours en présen- tiel, comme le préconise le ministre ? Ou dédoublement en présentiel avec la réqui- sition de locaux municipaux ou départe- mentaux et le recrutement massif d’ensei- gnants, à commencer par les contractuels et la liste complémentaire sans s’y limiter, comme l’exige la protection de la santé de tous et le respect du droit à l’instruction ?n
Christian Morain
* Accompagnant des élèves en situation de handicap.
  e 2 novembre, la réouverture des lycées, collèges et écoles, avec un protocole sanitaire « renforcé, si possible », met
le feu aux poudres. Dans les assem-
  Réagissant aux annonces de Blanquer le jeudi 5 novembre au soir, le SNES-FSU, syndicat majoritaire chez les enseignants des collèges et des lycées, s’enthousiasme : « Une mobilisa-
Rtion qui commence à payer : des mesures pour le lycée à préciser » !
appelons ce que Blanquer a annoncé :
– la possibilité d’une « orga- nisation propre » à chaque lycée, chaque élève ayant l’obligation d’assister à au moins la moitié des cours (le reste étant renvoyé à du « distanciel » ou à du « travail en
autonomie ») ;
– la suppression des « épreuves com-
munes » (ex-E3C) : 40 % de la note au bacca- lauréat seront ainsi exclusivement le fruit des notes obtenues durant les années de première et terminale ;
– l’aménagement des « épreuves nationales de spécialité » (32 % de la note au bac) : les élèves qui n’auraient pas eu accès à tout le pro- gramme pourront choisir un sujet étudié.
Ainsi, c’est une portion congrue de bacca- lauréat qui relèverait désormais d’un examen national, le même pour tous.
Blanquer fait d’une pierre deux coups. D’une part, il poursuit son offensive contre le baccalauréat. Rappelons qu’il avait com- mencé par remettre en cause le baccalauréat comme premier grade universitaire, en ins- taurant de fait la sélection à l’entrée de l’Uni- versité (avec la plate-forme Parcoursup). Puis
Dans la manifestation du 10 novembre, à Paris
il a transformé le bac national en un diplôme maison. L’an dernier, les élèves, les parents et les enseignants s’étaient mobilisés contre les E3C pour reconquérir le bac national orga- nisé avec des épreuves
sage et éviter la fermeture pure et simple des établissements. Réaction bien compréhensible quand on se souvient du cauchemar du confi- nement au printemps dernier.
 terminales, anonymes, ponctuelles, nationales. Aujourd’hui, même ces E3C sont de trop : sup- primées !
D’autre part, il aggrave l’inégalité des jeunes face à l’instruc- tion. Chaque lycée aura son « organisa- tion propre » : ici, les élèves auront tous leurs cours ; là, ils seront renvoyés la moitié du temps chez eux où ils suivront au mieux la moitié des cours... Dans quelles conditions ?
Une fois supprimé le bac national – clé de voûte de l’école républicaine –, tout l’édifice des programmes et horaires nationaux s’écroule
Mais cela pose la ques- tion de la responsabilité des directions des organisations syndicales. N’y a-t-il en effet rien d’autre à faire que de renvoyer les jeunes la moi- tié du temps chez eux et de les priver ainsi d’école ? Rien d’autre à faire que de saluer les mesures de Blanquer, comme le font les dirigeants du SNES qui en exigent l’ex- tension au collège (ainsi que ceux de SUD Éducation) ?
Des centaines de mil- liards d’euros sont offerts aux banquiers et aux capi- talistes. Il en faudrait beau-
 Les deux aspects sont liés : une fois sup- primé le bac national – clé de voûte de l’école républicaine –, tout l’édifice des programmes et horaires nationaux s’écroule. Et Blanquer profite de la brèche ouverte pour précipiter cet effondrement.
Dans des centaines d’établissements, les collègues, pris à la gorge, ont vu dans le « proto- cole renforcé » une possibilité d’exiger la mise en place de demi-groupes (sans moyens sup- plémentaires, donc en renvoyant les élèves la moitié du temps chez eux), pour limiter le bras-
coup moins pour recruter massivement, et immédiatement, des professeurs (parmi, par exemple, les étudiants, les inscrits sur liste complémentaire ou les contractuels au chô- mage) et réquisitionner tous les locaux vacants nécessaires pour créer toutes les classes ainsi dédoublées.
Qui osera dire que la réquisition d’une fraction de ces milliards dans ce but n’est pas nécessaire ? Ou pas urgent ?
   Ou impossible ?
n
Christian Vallon
     La mère d’un lycéen : « Ce n’est pas la santé ou l’enseignement, c’est l’un ET l’autre ! »
Aux Mureaux ( Yvelines), le lycée François-Villon est en ébullition. Depuis la rentrée, parents d’élèves, lycéens, enseignants et personnels sont à cran : sureffectifs, aucuns travaux depuis plus de vingt ans, un service de restauration défail- lant et des retards monstrueux aux cours de l’après-midi, etc. À ce quotidien compliqué s’ajoutent la crise sanitaire avec, à terme, le très fort risque de ne pouvoir mener à bien le programme. Question accrue en première et en terminale car il y a l’enjeu du bac.
Mon fils s’interroge. Depuis la reprise le 2 novembre, rien n’a été mis en place ! « C’est comme avant, plus l’inquiétude. » Ils sont toujours 35-36 par classe, se croisent dans les couloirs, en récréation et continuent de s’en- tasser dans les escaliers menant au réfectoire.
Le proviseur vient d’annoncer un proto- cole sanitaire qui ne sera mis en place qu’à partir du 12 novembre (plus de dix jours après un retour en classe placé sous le confinement,
et plus d’un mois et demi après la rentrée !). Il fait aussi état d’une « solution » qui consiste-
rait à diviser les effec- tifs en deux groupes : un jour les premières, l’autre les terminales.
Mais, c’est toujours la même chose. Entre la peste et le choléra, il faudrait choisir. Moins d’élèves dans l’éta- blissement, on pour- rait se dire que c’est bien, que c’est mieux. Pourtant, en y regar- dant de près, les élèves n’auraient donc cours qu’un jour sur deux et les heures d’enseigne- ment seraient réduites d’autant.
Qu’on ne nous dise pas qu’il n’y a pas de solutions qui permet- traient que tous les élèves aient la totalité de
leurs cours dans de bonnes conditions !
– On nous dit qu’il n’y a pas de locaux alors que juste en face, à 100 mètres, il y a une immense salle polyvalente qui appar- tient à la Ville, dans laquelle il ne peut y avoir de spectacles en ce moment, et qui est dotée d’une cantine ! Rien n’empêche de l’utiliser pour faire des classes supplémentaires pour
accueillir les lycéens !
– Il faudrait diviser les heures d’enseigne-
ment par deux alors que des milliers d’étu- diants en licence, en maîtrise pourraient être recrutés comme enseignants !
Les responsables des parents d’élèves ont décidé de se rapprocher des enseignants et de se réunir parce que moins de cours plutôt que plus, cela ne fait pas le compte. Nos enfants ne doivent pas être sacrifiés. Ce n’est pas la santé ou l’enseignement, c’est l’un ET l’autre ! n
Victoria B.
    












































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