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Par Daniel Gluckstein
Ce n’est pas tous les jours, en ces temps moroses, qu’un quotidien titre en première page : « L’espoir ». Surtout, quand il s’agit des Échos, austère quotidien du capital financier. Qu’est- ce qui motive cet enthousiasme ? L’annonce par le laboratoire Pfizer que son vaccin contre le Covid-19 serait « efficace à 90 % ».
Certes, ces résultats restent à confirmer. Certes, il n’y a aucune garantie quant à l’efficacité finale de ce candidat- vaccin ou sur la date de sa mise sur le marché. Mais pas besoin de ces informations pour espérer. Du moins pour Les Échos, qui précisent en première page : « Les marchés boursiers mon- diaux s’envolent, le CAC 40 gagne près de 8 %, les valeurs de l’aéronautique flambent. » Ainsi, la seule annonce d’un hypo- thétique vaccin à une date inconnue suffit à faire flamber les marchés, sans attendre, tout de suite !
Pourquoi ? Les spéculateurs du monde entier sont assis
La Tribune des travailleurs - No264 - Jeudi 12 novembre 2020
  ÉDITORIAL
Leurs espoirs... et les nôtres
sur des montagnes de liquidités, des milliers de milliards de dollars et d’euros qu’ils ne savent où investir. L’hypothèse d’un éventuel marché porteur de profit les fait bondir. Selon Les Échos, avec un tel vaccin, Pfizer devrait « engranger des milliards de dollars, sans doute bien plus ». Emportés par leur enthousiasme, les spéculateurs voient plus loin. Non seule- ment ils se précipitent sur l’action Pfizer, mais ils calculent que si le vaccin arrive et que le Covid recule, les relations interna- tionales vont être rétablies : et ils se jettent alors sur l’action d’Airbus ou celle de Total qui remontent en flèche.
Peut-être demain tout cela s’effondrera-t-il. Mais, en attendant, certains s’enrichissent encore et les super-riches deviennent de plus en plus riches... sans qu’à ce stade ait été produit le moindre vaccin ! « L’espoir fait vivre », dit le pro- verbe. S’agissant des capitalistes et des spéculateurs, l’espoir les fait bien vivre...
« C’est de la folie », se dira le travailleur, confronté à la pan- démie et à ses effets dévastateurs, au chômage qui ne cesse de
AGENDA
La rectrice de l’académie de Poitiers a lourdement sanctionné quatre professeurs du lycée Desfontaines, à Melle (Deux- Sèvres), pour avoir manifesté, en février dernier, contre les épreuves communes de contrôle continu E3C liquidant le bac national. Les sanctions vont de la mutation d’office au blâme, en passant
par l’exclusion de quinze jours sans salaire et la rétrogradation d’un échelon (voir La Tribune des travailleurs, 28 octobre).
JEUDI 5 NOVEMBRE
Les salariés du sous-traitant aéronautique Figeac Aero, à Méaulte (Somme) sont en grève à l’appel de la CFDT et de la CFE- CGC contre la suppression de
26 emplois.
Le groupe américain IBM pourrait supprimer entre 30 000 et
40 000 postes dans le monde d’ici à la fin de l’année.
VENDREDI 6 NOVEMBRE
Le recours à l’aide alimentaire a augmenté de « plus de 30 % » dans les grandes métropoles en période de confinement, a indiqué un responsable des Restos du cœur sur France Info.
Grande-Bretagne. Les salariés d’une usine du fabricant de moteurs d’avions Rolls-Royce, sur le site de Barnoldswick dans le Lancashire, ont entamé une grève de trois semaines contre
s’étendre, à la saturation des hôpitaux et des services de réa- nimation, à la déscolarisation des jeunes et à toutes les consé- quences lourdement pénalisantes d’un confinement qui n’en finit pas...
Oui, c’est de la folie, mais de la folie capitaliste qui répond à une certaine logique. Leurs espoirs sont fondés sur les profits. Les espoirs des travailleurs sont d’une tout autre nature :
si vaccin il y a un jour, alors, qu’il soit gratuit, et les labora- toires qui le fabriquent réquisitionnés à cet effet ; quant aux licenciements, qu’ils soient interdits et que l’on prélève sur les milliards distribués aux capitalistes par le gouvernement et sur les milliards de profits spéculatifs les sommes nécessaires pour les hôpitaux, l’école, les services publics.
De telles mesures seraient prises par tout gouvernement réellement déterminé à répondre aux besoins vitaux du peuple travailleur. Tel est le gouvernement pour lequel combat le Parti ouvrier indépendant démocratique pour en finir avec ce régime de gabegie, de pillage et de folie financière.
        Ça s’est passé la semaine dernière
LUNDI 2 NOVEMBRE
Tchad. Les enseignants des écoles publiques ont entamé une grève de cinq jours. Ils réclament le paiement de leurs titres de transport de 2016 à 2019 et le versement des primes (10 000 francs CFA, soit 15 euros) qu’ils ont touchées tous les deux ans jusqu’en 2016.
Les salariés de l’usine RKS, à Avallon (Yonne) ont entamé une grève illimitée contre la fermeture du site prévue d’ici à 2023.
MARDI 3 NOVEMBRE
La direction de l’usine SKF (fabrication des roulements
à bille pour les équipements automobiles) à Saint-Cyr-sur- Loire (Indre-et-Loire) a annoncé la suppression de 110 postes.
La justice a rejeté la demande en référé du comité social et économique et de la CGT de l’usine Cargill (Haubourdin, Nord) de suspension du
plan « social » qui prévoit la suppression de 186 postes. L’avocat des salariés a annoncé qu’il allait faire appel.
Marseille Habitat, le bailleur social de la Ville, a été mis en examen pour « homicides involontaires par violation délibérée d’une obligation de sécurité ». Le
5 novembre 2018, trois immeubles vétustes de la rue d’Aubagne s’étaient effondrés, faisant huit morts.
À l’appel de la CGT, les agents territoriaux de Plaine Commune (Seine-Saint-Denis) ont manifesté à Saint-Denis contre les menaces de suppression de jours de congés.
MERCREDI 4 NOVEMBRE
Les salariés des usines Toray Carbon Fibers Europe du bassin de Lacq et d’Abidos (Pyrénées- Atlantiques) sont en grève, à l’appel de la CGT et de FO, contre un
plan de « départs volontaires » de 29 salariés.
la délocalisation d’une partie de l’activité à Singapour.
La direction de PSA Rennes a annoncé l’arrêt de l’équipe de
nuit à partir du 16 novembre,
ce qui signifie la suppression de 500 postes, postes pourvus par des intérimaires qui se retrouveront directement au chômage. Or, depuis la reprise le 18 mai, dénonce la CGT, « les cadences de production ont augmenté de plus de 10 % et de très nombreuses heures supplémentaires ont été imposées, notamment le week-end. Nous produisons en
ce moment presque autant de voitures en trois équipes qu’avant le confinement avec quatre équipes ! ».
Le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la requête
du collectif d’infirmiers de
blocs opératoires Inter-blocs demandant la fourniture de masques FFP2 au CHU de Toulouse : « Le juge des référés a considéré que l’urgence à enjoindre au CHU de mettre à disposition de son personnel en bloc opératoire de tels masques n’était pas établie. » Le collectif d’infirmiers avait déposé plainte contre les directions des
32 hôpitaux de France pour « mise en danger de la vie d’autrui ».
DIMANCHE 8 NOVEMBRE
Biélorussie. Comme tous les dimanches depuis trois mois, plusieurs milliers de manifestants se sont rassemblés, à Minsk et dans d’autres villes, pour exiger le départ du président Loukachenko. Près de 400 manifestants ont été arrêtés, dont plusieurs journalistes et des athlètes.
Et ce qui s’annonce
Les syndicats de la RATP CGT, Unsa, SAT, Solidaires, SUD appellent les agents à « une grève massive jeudi 19 novembre, pour 24 heures ». Ils s’opposent à un
« projet de démantèlement » de la RATP et « aux décrets portant sur le “transfert du personnel RATP” vers des entreprises de droit privé ».
La direction de la Société générale a annoncé, le
9 novembre, la suppression de 640 postes en France. 1 600 postes avaient déjà été supprimés en 2019. Début novembre, la banque annonçait un bénéfice net de
862 millions d’euros au troisième trimestre.
          Il y a 133 ans
Le vendredi 11 novembre 1887, aux États-Unis, quatre militants anarchistes sont exécutés. Le 1er mai 1886,
à l’appel de l’American Federation of Labor,
350 000 travailleurs sont en grève dans tout le pays pour
la journée de 8 heures de travail. Les manifestations
se poursuivent les jours suivants. Le 3 mai, à Chicago (Illinois), la police charge les ouvriers rassemblés devant l’usine McCormick, faisant quatre morts et de nombreux blessés. Le 4 mai au soir a
lieu un rassemblement de protestation, à Haymarket Square. Alors que la foule commence à se disperser, un détachement de 180 policiers s’avance. Une bombe explose parmi les policiers, qui tirent sur les ouvriers, faisant plusieurs morts et deux cents blessés. C’est « le massacre
de Haymarket Square ». Huit militants anarchistes sont arrêtés. Ils seront condamnés
à mort. Quatre sont exécutés par pendaison le vendredi
11 novembre 1887, connu
sous le nom de « Black Friday » (Vendredi noir), un se suicidera dans sa geôle, trois resteront en prison. Ces événements sont à l’origine du 1er-Mai, Journée internationale des travailleurs. n
        Médicaments et vaccins : les dernières annonces
   – Le 9 novembre, par un communiqué de presse, le laboratoire américain Pfizer et son partenaire allemand BioNTech annoncent la réussite de la troisième et dernière phase d’essai clinique de leur vaccin contre le Covid-19, une « efficacité à 90 % », ce qu’aucun rapport scientifique ne peut, pour l’instant, confirmer.
– Dans une étude publiée le
9 novembre, UFC-Que Choisir dénonce les ruptures de stocks
ou d’approvisionnements de médicaments, l’Agence nationale de sécurité du médicament et
des produits de santé prévoyant, pour 2020, qu’au moins
2 400 médicaments seront concernés. Des médicaments
dits d’intérêt thérapeutique
majeur : antibiotiques, anticancéreux, contre la maladie de Parkinson, antiépileptiques, antihypertenseurs, bêtabloquants, antiarythmiques..., qui, pour certains, n’ont pas d’alternative. L’association de consommateurs dénonce « la déplorable incurie
des pouvoirs publics » et « la course à la rentabilité des laboratoires ».
« Les laboratoires, quand ils
veulent éviter les pénuries, ils le peuvent. C’est le cas pour tous les médicaments récents vendus à prix d’or (...). Pour les médicaments plus
anciens mais qui restent très utiles pour les patients, les laboratoires cherchent à tirer les coûts vers le bas, et cela se traduit par une chaîne d’approvisionnement qui est plus longue, plus complexe », explique Mathieu Escot, directeur d’études
à UFC-Que Choisir, sur France 3. La durée légale des stocks de médicaments n’est, aujourd’hui, que de deux mois.
– L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé a annoncé, le 9 novembre, sa mise en examen pour « blessures et homicides involontaires
par négligence » dans l’affaire
de la commercialisation de
la Dépakine, médicament qui présente un risque important de malformations congénitales sur
le fœtus s’il est ingéré par une femme enceinte : malformations, autisme, troubles ORL... Début août, le groupe Sanofi qui produisait ce médicament, accusé par des familles d’avoir trop tardé à informer des risques, avait été mis en examen pour « homicides involontaires ».
– Alors que la campagne de vaccination contre la grippe a commencé le 13 octobre, 30 % des pharmaciens sont en rupture de stock.
        TRAIT LIBRE









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