Page 35 - Black Beautés Magazine
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Mais aussi des problèmes plus « existentiels » :
à quoi sert la mode lorsqu’on ne parle plus que
d’activités essentielles ? Pourquoi créer des
vêtements supplémentaires lorsque les boutiques,
fermées, regorgent de stocks de vêtements
invendus ? La mode n’est-elle pas directement
responsable de la dégradation du monde par son
impact négatif sur l’environnement ?
Cette collection est une tentative de réponse « à
l’africaine » à toutes ces questions et plus
particulièrement à celle-ci : comment et pourquoi
continuer à créer quand on n’a plus rien. Une
collection hommage à la résilience des sociétés
africaines, à leur ingéniosité et à leur frugalité. Une
collection qui, comme un deuil africain, fait surgir de
la joie et de la beauté, du malheur. Une collection
réduite, créée à partir de rien c’est à dire
uniquement à partir de chutes de tissus issues de la
réalisation de collections précédentes et de
commandes, destinées normalement à la poubelle.
Une collection dont le travail artisanal minutieux, les
assemblages à la main, magnifient la simplicité des
matériaux. Une collection manifeste - ces tenues
sont destinées à être vendues mais dans d’autres
étoffes, en fonction des chutes disponibles - qui re-
affirme la nécessité de la créativité et de toujours
re-enchanter le réel, malgré ou à cause des
difficultés.
« Amal-Si, en langue ewondo, veut dire « le malheur
qui s’abat sur la terre ». Ça décrit évidemment la
situation que l’on connaît et qui m’a amené à faire
cette collection, mais c’est aussi un hommage à la
capacité de résilience des sociétés africaines, dont
on voit que pour le moment elles se débrouillent
plutôt mieux avec ce virus qu’en Europe ou aux
Etats-Unis et qui de toute façon ont l’habitude des
coups durs et s’en remettent. Plus généralement
cela parle de cette capacité que l’on trouve dans la
plupart des pays africains de faire de l’humour sur
tous les problèmes et de créer de la beauté, parfois
même de la joie à partir du malheur, mais sans
l’oublier ou le cacher. Par exemple la différence de
traitement de la mort en Occident et dans les Elle a réalisé une série qui s’appelle « ça va aller ».
sociétés africaines m’a toujours frappé. Bien sûr C’est une série de photos qu’elle a prises quelques
chaque société a ses rites, mais globalement en semaines après l’attentat de Grand Bassam en
Afrique, un deuil c’est évidemment la tristesse, le 2016. Ce sont des images qui documentent d’une
malheur, mais en même temps les gens se certaine manière le malheur qui est tombé sur
réunissent, s’entraident et ça devient festif, presque cette ville, pourtant ce sont des photos rebrodées,
joyeux et aussi très beau parfois, quand il y a de la très colorées, au premier abord très joyeuses, et
musique des danses…etc. J’ai retrouvé ça aussi par vraiment très belles. Amal-si c’est ça, faire
exemple dans l’œuvre de Joana Choumali qui est quelque chose de beau malgré le malheur, pour le
une artiste ivoirienne, une photographe dont j’aime contrer. » Imane Ayissi.
beaucoup le travail .