Page 80 - Le grimoire de Catherine
P. 80
musiciens d’une nuit jouent maintenant crescendo, c’est qu’il faut bien le reconnaître,
il s’agit d’un connaisseur ce drôle d’oiseau en matière de concerto !
Brusquement le silence s’installe, le cortège devient fixe. Le superbe Encelade reçoit
d’un corbeau en queue de pie la boite à secrets empruntée pour l’occasion à la belle
Marie- Antoinette. Ses mains de titan se font caresses pour l’entrouvrir et libèrent les
fragrances d’antan de benjoin et de vanille. Humez avec gourmandise ces parfums
ensorceleurs qui racontent les terres lointaines, conteurs de civilisations si souvent
oubliées. Leurs arômes évoquent la volupté, le plaisir vaporeux.
Il est temps maintenant de quitter notre refuge. Les voiles de fumée se font
complices de ce cortège fantastique qui se faufile dans un passage étroit aux pavés
irréguliers, aux voûtes moyenâgeuses, aux maisons devenues silencieuses, receleuses
de tant d’histoires heureuses et malheureuses accumulées de siècle en siècle.
L’auberge du Héron Argenté
Tout au fond de ce passage, une auberge éclairée d’une petite lanterne à la bougie
flageolante. Dans ce clair-obscur, on distingue une enseigne représentant un superbe
héron altier, aux pattes graciles, à la houppette fière, au plumage de nacre ; nous
sommes arrivés à l’auberge du Héron Argenté. Je vous invite à vous glisser à
l’intérieur.
Le décor est somptueux ! Ephémère ! Un cabinet de verdure composé de branches de
sapin et de houx ! Cinq tables éclairées de chandeliers de cristal porteurs de bougies
multicolores !
Tous les participants du cortège sont regroupés. Ils se saisissement, qui de cuillères
en bois, qui de fouets de cuisine. D’autres encore se répartissent bols, fourchettes,
rouleaux à pâtisserie…
Encelade consultant un rouleau de pierre distribue, de sa voix de tonnerre, les recettes
attribuées à chacun.
Essayons de les retenir : potage de citrouille mitonné à partir de secrets d’écureuils,
radis en forme de souris ou souris en forme de radis, philtre d’amour aux fruits des
bois, cassonades de violettes, etc. Cette armée de cuisiniers improvisés fait un tel
tintamarre qu’il est impossible d’en entendre la suite. Il faut, apparemment, faire vite et
bien.
De plus il semblerait qu’il soit plus facile de regarder passer les rois, les visiteurs, les
habitués du Grand Parc, que de préparer un festin . Il doit s’agir d’un ou d’une invité
de marque pour qu’une telle effervescence règne dans cette auberge !
Enfin, les plats sont prêts. Sur les tables se dressent des pyramides de mets certains
salés, d’autres sucrés, les liqueurs rougeoient dans les aiguières, le caramel répand
son effluve de miel.
Tout est en place, l’attente commence. Le silence se fait pesant. Des regards
inquiets s’échangent. Non il n’est pas possible que rien ne se passe ! Qu’il y ait eu
76