Page 2 - GDP95A5 1page_Neat
P. 2
EDITO Adieu à Dimitri,
Alain, et Yann
’émotion est passée ; gout des larmes pour tout le monde maritime.
L presque un mois plus Il fut un temps où les journaux écrivaient : "à
tard, les stigmates de la tempête Miguel qui a l'heure où nous mettons sous presse, il sem-
fait quatre morts (trois sauveteurs et un pê- blait que ...", pour signifier à leurs lecteurs que
cheur) s’estompent doucement. Le temps s’est les informations écrites à l'encre noire sur la
calmé, La mer a repris des airs de vacances. Et page blanche entre leurs mains n'étaient
pourtant, c’est toute la famille maritime qui plus nécessairement exactes au moment où ils
est en deuil. allaient les découvrir. Le temps du bouclage,
Ce funeste 7 juin 2019, le Cross reçoit l’appel de l'impression et de la distribution, il pouvait
d’un bateau de pêche en détresse. Les sauve- et il peut encore s'en passer des choses. A
teurs les plus amarinés sont dans les parages et l'heure du numérique, tout est naturellement
répondent immédiatement présents. Le Jack plus rapide, mais il existe encore une contrain-
Morisseau appareille, se postant entre les te : dire la vérité.
jetées du port. Quand la deuxième balise du Mis à part quelques spécialistes sérieux, les
bateau en difficulté se déclenche, le message « prétendus experts » ont défilé sur les anten-
du Cross, le centre de surveillance et sauveta- nes et répété de grosses bêtises, confondant,
ge d’Etel, (Morbihan) tombe : «Engagez- par exemple, l’ancien et le nouveau canot tout
vous.» A bord, personne n’objecte. En tout, temps, parlant de navettes de sauvetage, etc..
sept hommes se trouvaient à bord de la vedet- D’ailleurs les marins ponantais prononcent le
te. « t » de canot, ce que les prétendus experts
«La mer était blanche, avec des montagnes n’ont pas fait. Il est à noter que le président de
d’eau. Et puis, il y a eu cette déferlante énor- la République, dans son beau discours émou-
me et les vitres avant ont explosé. On avait de vant, lors de la cérémonie d’adieu a parlé de
l’eau à mi-corps, et toute la structure s’est canot en prononçant le « t ».
électrisée. On se prenait du 220 volts, dès Il n’empêche que chaque fois que l’on voit le
qu’on touchait quelque chose.» affirme Chris- président de la République auprès de la
tophe Monnereau, un des survivants. L’objec- SNSM, c’est qu’il y a eu un drame ..
tif est maintenant d’aller s’échouer sur la pla- La triste affaire de ce vendredi 7 juin nous
ge. Des barres d’écume déferlent par le travers prouve, si c’était à prouver, que la mer est un
du navire et l’envoient valdinguer. Il chavire milieu hostile et exige une grande humilité de
une première fois, se redresse, avant de se notre part.
retourner définitivement. Éjectés, les 4 survi- Mais soyons pragmatiques, pendant une se-
vants deviennent les tristes pantins des flots en maine on a parlé de la SNSM et de ses diffi-
furie, peinant à reprendre leur souffle dans cultés à réunir les sommes nécessaires au
cette lessiveuse infernale. «Malgré ce que la renouvellement de sa flotte. On a beaucoup
presse a écrit, on n’a pas nagé. On a été pous- insisté sur le fait que les Sauveteurs en Mer
sé vers la plage.» «On n’a sauvé personne, on étaient entièrement bénévoles et dévoués
s’est juste sauvés nous, et puis c’est tout.» corps et âmes à leur mission. Souhaitons que
explique Christophe Monnereau dans une le décès de ces trois sauveteurs bénévoles
interview de Nathalie Rouiller pour Libéra- sensibilise le public et que comme pour le
tion. De mémoire, Jean-François Deniau di- drame de L’Aber Wrac’h en 1986, il permette
sait : « Je suis parti en mer et suis revenu par- de remplir les caisses de la SNSM.
ce que la mer l’a bien voulu ». Ce vendredi 7
juin, la mer n’a pas voulu et l’eau salée a eu le AB
La Gazette des Pontons N° 95 page 2