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MES PAS
Mes pas se sont peu à peu, d’une empreinte sûre, enlisés, puis
mes pieds d’angoisse animés d’un sur-poids inattendu, piégés,
ont frémi à l’enchaînement, tentacules promises depuis
longtemps, ils se sont saisis de mes jambes. J’arrache chaque
pas de cette terre pour un autre qui m’enfonce dans ce
marécage d’immondice. Douleur comblée. Le sang gicle à
l’extérieur de mes vaisseaux poisseux, suppliciés, j’entorse mes
mouvements momifiés. Je déracine ma consistance et crucifie
ma fantaisie d’être humain dans la fosse fertilisée de la
traumatisation. Cette terre de lune qui m’a enseveli un soir
d’hiver, dans un pré d’incertitude.
J’ai crié au-delà de l’air respirable. Mes hanches noueuses de
mes marches sur des montagnes escarpées des doutes,
grincent telles des poulies vieillies à soulever ma carcasse
neuronale boueuse et jamais abreuvée de mélancolie. Aux
muscles de l’esprit graisseux, le corps s’est tissé une carrure
proche du filigrane et des voix d’onomatopées vibrent et
mastiquent les fibres de l’écho du secours. L’homme se noie,
entier, et les couleurs de la vie accouplées au vivant, je meurs
à la vue de tous, sourires ailés, je suis mutilé de ma propre
guerre, salé et cinglé des étoiles barbelées de pensées
martelées sur l’enclume du désespoir empalé de joie de gonfler
son existence à l’intérieur d’un Moi à présent démantelé. Je
mange, oui, je mange des mots cendrés.
La solitude de cette terre apaise son appétit en dévorant des
vivants en sursis.