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L’injonction semblait venir d’un of cier général, car il se précipita subitement vers une la mer déchaînée, en crawlant rapidement vers le sud, pour confronter son énergie à cette onde chaude de clapotis venue du con ns de l’horizon. Le son du muezzin s’échappait au moment où Frédéric fendait la crête de la vague. Le chant oriental l’atteignait avec sa mélodie envoûtante qui force l’introspection, le recueillement, la prière. La résistance de son corps faisait bouillonner le  ux incessant des  ots. Des bulles de sel se déposaient sur son visage puis s’évaporaient dans le mistral. Ces taches de rousseur salées lui piquaient la peau comme des aiguilles de pin balancées au vent. L’horizon  oûté par les crêtes frangées d’écume, se transformait en mirage inaccessible. L’idée d’une éventuelle noyade sous le ciel nimbus vieilli lui  t rebrousser chemin, direction la terre ferme.
Le mistral, accompagné d’averses brutales, se calma aussi soudainement qu’une dé agration. L’humidité fumait sous la chaleur, l’air se raré ait. La planète renaissait. Quel somptueux paysage sous cette lumière acérée, cristalline ! L’espace neuf anéantissait la distance aux choses. Tout devenait excès. Plus heureux, plus libre, plus jeune. Les lignes étaient plus nettes, les couleurs plus vives. Pour le peintre qu’il était, l’espoir soulevait son torse.
Oh ! la grande aisance. Il suf sait de copier la réalité qui devenait  ction. L’espace était le tableau sans cadre. Il pouvait en n respirer à pleins poumons et reni er l’intérieur du songe.
Délicatement, dans un silence mouillé, la rosée de l’après-midi s’évaporait dans les nouveaux rayons solaires. Un voile de mousseline se déchirait et découvrait un Éden gorgé de fruits mûrs où l’eau renvoyait sans  ltre la course du soleil. Le ciel immaculé se re était dans la mer saturée de cyan. Les deux bleus se mélangeaient, s’éblouissaient, se répondaient. Les citronniers orangers courbaient sous les balles jaunes tangos, décomplexées, suintant le plaisir charnel. Les  guiers de barbarie étaient adossés aux murs couverts de tuiles. Les pins parasols, vertigineux, distillaient leurs essences maritimes dans l’atmosphère, et les pignes égarées sur le sol ensablé...
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