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La chaleur persistante du soleil anéantissait toute volonté, et mon cerveau bouillonnait comme un œuf à la coque dans l’eau de cuisson. Il fallait juste avancer, mettre un pied devant l’autre, puis l’autre, pour ne pas s’évaporer, se liqué er en l’état. Les cailloux sur la terre crevassée voltigeaient en même temps qu’une poussière cendrée lorsque je les chassais du pied comme un enfant.
Les oliviers sur les côtés du sentier devenaient virtuels à force d’immobilité et de silence. Les grillons semblaient les derniers survivants de ce bout du monde, où l’odeur résineuse des cyprès sauvait momentanément d’un évanouissement proche. La vision de près se troublait par anémie mais en levant la tête, dans ce qui semblait un dernier effort, la campagne toscane se dessinait comme une grande architecture, à la manière d’une femme déployant tranquillement, délibérément, sa beauté grave.
Soudain, dans le ciel lavé de tout nuage, s’éleva un cri de douleur qui déchira l’atmosphère brûlante.
Les agaves hurlaient de sécheresse, leurs membres se débattaient, lacéraient l’air suffocant, leur peau anciennement tatouée par des enfants cruels et oisifs, semblait vidée de sève, comme exsangue. Autrefois d’un vert-bleu velouté. Leur raideur inquiétante, laissait présager une  n proche. Ils étaient dignes, pourtant. Leur vitalité ancestrale jusqu’à permettre la fabrication de la tequila semblait vaciller. Bientôt il ne restera plus qu’une sculpture à l’agonie sous un soleil de plomb.
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