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Je ne saurais dire pourquoi ce fût si dif cile de vivre. Il était certain que j’allais mourir un jour, alors pourquoi se donner tant de mal.
Quand j’ai découvert la correspondance de Rilke et son écriture si délicate, si précise, je me suis écriée :
Voilà la personne que je dois rencontrer !
Mais il était mort.
Mon cerveau, plié façon origami, geait mes idées. La case «ludique» man- quait. Je ne comprenais rien de ce qui m’entourait et surtout pas l’Humain. Ce qui reliait les hommes les uns aux autres était absent.
Longtemps, j’ai cherché dans les livres comment les approcher ou bien les saisir, furtivement. J’ai décortiqué les magazines féminins pour leur ressembler. De toute façon, comprendre ne résout pas le problème. Comprendre n’est
pas communiquer, partager, entourer. Le débat était vain.
L’illusion collective de la société n’était pas la mienne. Il fallait recréer un
monde à l’intérieur du monde pour exister. Penser autrement.
Je traversais la vie à moitié visible, tantôt pâle comme l’aurore sur la montagne enneigée, tantôt enracinée, statique, tournée vers la terre, bientôt recouverte de
lichen. Minérale.
Il a fallu peindre plutôt que d’habiter la planète Terre mais au moins le mal de vivre a été extirpé à la force du pinceau et les Humains ne me hantent plus, ils peuplent mon refuge.
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