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Lorsque j’ai peint luzerne, je me suis relevée, je suis entrée en guerre. J’ai pris mes pinceaux comme des mots, comme des sentiments, comme des armes. J’ai courbé mon arc, brandit des lances, planté des piliers, installé des bannières aux couleurs de feu d’arti ce sur ciel absolu. L’herbe, la luzerne, voltigent dans un mouvement circulaire furieux qui enveloppe la gure humaine avec vigueur. Le rythme est rapide comme le vent et les éclairs. J’ai aussi créé des jeux de glissements d’avant-arrière, d’ouverture- fermeture, de clair obscur : le corps partiellement caché de luzerne avance quand son visage se tourne (avant-arrière), sa tête est partielle, (ouvert- fermé). Luzerne répond au principe de Su Tung–po (1035–1101) :
En peinture, il importe de savoir retenir, mais également de savoir laisser. Savoir retenir consiste à cerner le contour et le volume des choses au moyen de traits de pinceau. Mais si le peintre use des traits continus ou rigides, le tableau sera privé de vie. Dans le tracé des formes, bien que le but soit d’arriver à un résultat plénier, tout l’art de l’exécution réside dans les intervalles et les suggestions fragmentaires. D’où la nécessité de savoir laisser, cela implique que les coups de pinceau du peintre s’interrompent (sans que le sou e qui les anime le soit) pour mieux se charger des sous-entendus. Ainsi une montagne peut-elle comporter des pans non-peints et un arbre être dispensé d’une partie de ses ramures, en sorte que ceux-ci demeurent dans un état de devenir, entre être et non-être .
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