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Mystérieuse hôtesse, sirène enchantée, robe longue volatile, double peau d’un corps androgyne, invite du regard à passer la lourde grille ouvragée d’arabesques noires.
Le jardin avait comme projet celui d’accompagner doucement vers l’eau, d’abord la piscine, puis la mer. Tout de suite sur la droite, l’allée brusquement interrompue, bordée d’oliviers millénaire, abritait un terrain de boules de pétanque dont le point d’orgue était le palmier dattier poussé naturellement, sans effort, par enchantement.
À l’instar du dragon chinois de bienvenue, le majestueux phormium, lin de Zélande, trônait, froufroutait, pérorait au vent, près de la porte d’entrée. La maison était recouverte d’un parement blond doré, moellons bruts d’une roche sous-jacente.
La Tour, trace d’un architecte mégalo, bloquait l’angle de la maison tout en permettant à l’escalier circulaire intérieur d’accéder à l’unique l’étage. Si l’on décidait de prendre le plus court chemin vers l’eau et le plus sauvage, il fallait contourner l’aile de la maison par le côté, gribouiller le drôle de gazon californien qui vous transportait sous le cycas japonais (délicieux parasol de jeunes lles en eurs pour les journées de fortes chaleur...), et regarder au loin, la mer...
À l’ouest, les lauriers-roses frangeaient aux ciseaux la piscine bleue lavande. Ils se métamorphosaient à l’heure du déjeuner, en bouquets enfantins offerts pour égayer la table du repas familial.
Côté sud, les cyprès résineux suintaient d’une odeur rafraîchissante, faisaient obstacle aux ballons échappés de la piscine lors des jeux animés, cris d’été dans le silence. Le bassin d’eau fraîche qui désaltère la soif de sensations libres de bonheur, était le centre de nos préoccupations. Les grenouilles elles-mêmes pissaient dans la piscine, les skimmers étaient leur résidence secondaire. Les hublots immergés de lumière, Big Brother au monocle, égayaient la brasse sensuelle des bains nocturnes, effrayaient dans un premier temps Nina–la chatte qui s’en amusait ensuite.
L’allée amputée des oliviers, émouvante Vénus de Milo végétale installée près du portail, resurgissait plus loin en dévalant la forte pente rocailleuse qui s’échouait dans la mer. (suite page 61)
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