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La Dame d’ Elche et ses Mystères
Considérée comme le chef-d’œuvre de l’art ibère, elle fut découverte par pur hasard le 4 août 1897 lors de travaux de nivelle- ment sur une propriété du lieu-dit l’Álcudia, aux abords de la ville d’Elche. Des fouilles ultérieures montrèrent alors que c’est sur ce site que s’établit la cité ibère d’Ilici, baptisée plus tard par les romains Colonia Lulia Ilici Augusta qui donna naissance à l’actuelle Elche.
La Dame d’Elche, appelée à l’origine par la population « Reine Maure », est un buste taillé dans une pierre calcaire extraite des carrières d’El Ferriol, aux environs d’Elche, à l’effigie d’une femme luxueu- sement vêtue et parée de bijoux. Le traitement du visage présente de claires influences grecques, mais certains ornements, comme les pendentifs en forme d’amphores, rappellent davantage la Méditerra- née orientale. Exposée longtemps au soleil et sans protection sur le balcon de son découvreur, la sta- tue a malheureusement perdu sa riche polychromie aux couleurs vives, mais les pigments restants ana- lysés en 2005 et 2006 permettent maintenant de la reconstituer pour l’essentiel.
Cette statue est datée des Ve-IVe siècles avant J-C
Les colonies grecques occupaient alors les rivages nord de Catalogne (Iberos Indigetes) et les colo- nies phéniciennes Ibiza et les rivages du sud de l’Hispanie, à partir de la région d’Alicante (Iberos Contestains). Un examen des pièces tirées de différentes fouilles ibères de la région permet mainte- nant de conclure que la statue est l’œuvre d’un sculpteur ibère autochtone qui connaissait la statuaire grecque, travaillant seul ou en atelier. Une cavité recouverte de plâtre se trouve sur le dos de la statue et l’examen de ce plâtre, en 2011, a mis en évidence l’existence de restes de calcaire et de phosphore provenant de dents et d’os humains introduits immédiatement après la crémation, alors qu’ils étaient encore très chauds (d’où la r.ecristallisation du revêtement).
La Dame d’Elche, comme urne funéraire, ne peut donc représenter une divinité, mais bien une femme de haute extraction sociale remplissant peut-être des fonctions religieuses (prêtresse), comme cela semble être le cas de La Dame de Baza (ancienne cité de Basti, chez les Iberos Bastètains ) dé- couverte le 22 juillet 1971 près de Grenade et datée de la première moitié du IVè siècle avant J-C. Il faut aussi signaler la découverte en 1987, à Guardamar del Segura, de la statue ( buste fragmenté, mais reconstitué) de la Dame de Cabezo Lucero dont la coiffure, les roues et les colliers rappellent ceux de Elche.
Reste une énigme : le buste date donc de fin du Ve– début du IVe siècle avant J-C, mais la strate dans laquelle il fut trouvé date de la fin du Ier siècle avant J-C. Le buste a donc été déterré de son site initial pour être enterré à nouveau quatre siècles plus tard...
Or le temple ibère de l’Alcudia fut abandonné à la même période. Ceci semble lié à un chan- gement de croyances religieuses entraîné par la romanisation de l’Hispanie.
Quant à l’origine de la culture ibère, il est maintenant clairement établi qu’elle s’est déve- loppée dans la péninsule ibérique. L’hypothèse selon laquelle elle viendrait de populations du centre de l’Europe, principalement celtes, et donc aryennes doit donc être abandonnée. Cette version était due à l’influence allemande et connut son apogée après la guerre civile espagnole (Heinrich Himmler, octobre 1940).
René Mauer Source : Histoire & Civilisations, No 35 (janvier 2018)
N .B. : Dans les sites et fouilles connus des Iberos Contestains de notre région, il faut ajouter à
L’Alcudia l’enclave ibère de Campello c.a.d. la Illeta Dels Banyets
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