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             Mardi 14 Janvier 2020
                                                              Irak, Yémen et en Syrie...


                COMMENT LE CONFLIT ENTRE L'IRAN ET



               LES ETATS-UNIS RISQUE DE S'EXPORTER




             Le conflit entre les Etats-Unis et l'Iran va-t-il mettre le feu au Moyen-Orient ? La mort du général Qassem Soleimani, tué par un tir de drone
                américain, et la riposte iranienne contre des bases irakiennes abritant l'US Army ont laissé craindre une escalade militaire. Mais après
                                         une semaine sous tension, Téhéran et Washington ont joué la carte de l'apaisement.

                 ors d'une conférence de presse, Do-
                 nald Trump a finalement opté, mer-
            Lcredi 8 janvier, pour de nouvelles
            sanctions économiques contre l'Iran plutôt
            que pour une intervention militaire. Et mal-
            gré des déclarations belliqueuses quasi-
            quotidiennes, le pouvoir iranien a pris soin
            de ne pas tuer de soldats américains dans
            sa riposte.
            Pourtant, de nombreux observateurs s'at-
            tendent à ce que les deux puissances n'en
            restent pas là et exportent leur conflit dans
            les pays alentours. Dans un message diffusé
            à la télévision iranienne, le 6 janvier, la fille
            du général Soleimani a sommé le Syrien Ba-
            char Al-Assad ainsi que les chefs du Hez-
            bollah, du Hamas et de la rébellion houtie
            de venger la mort de son père en s'atta-
            quant aux Américains ou à leurs deux alliés
            historiques dans la région, Israël et l'Arabie
            saoudite. Franceinfo fait le point sur les
            risques de guerres par procuration entre Té-
            héran et Washington en Irak, en Syrie, au  plus radicales de cette coalition, s'enga-  bollah libanais et des dizaines de milliers de  leur ennemi commun : le groupe Etat isla-
            Liban, au Yémen et en Palestine.    geant à mener une "guerre contre la pré-  miliciens pro-Iran combattent aux côtés de  mique. Maintenant que les jihadistes ont
                                                sence américaine dans tous les endroits de  Damas. Une coalition occidentale, menée  perdu leur emprise territoriale, ce statu quo
                    En Irak : Le conflit        la région que nous pouvons toucher." Moq-  par les Etats-Unis et dont la France fait par-  est fragilisé. Fin décembre, des chasseurs F-
                                                tada Al-Sadr a aussi appelé à l'union des  tie, est alliée aux combattants kurdes et à  15 américains ont visé deux installations, en
                    "le plus probable"
                                                "factions irakiennes de la résistance". Ce  des factions arabes rebelles autrefois unies  Syrie, des Brigades Hezbollah, une milice
                                                leader militaire chiite a réactivé son Armée  sous la bannière de l'Armée syrienne libre.  chiite irakienne liée à l’Iran que Washington
            Après avoir quitté le pays en 2011 sous le
                                                du Mahdi, une milice islamiste qui avait tué  Mais cette dernière a explosé, laissant place  accuse d'être responsable d'attaques à la
            mandat de Barack Obama, les forces amé-
                                                des dizaines de soldats américains pendant  à un jeu d'alliances sans fin et à des com-  roquette contre ses soldats. Le groupe armé
            ricaines se sont massivement redéployées
                                                la seconde guerre du Golfe, avant d'être dé-  bats fratricides entre groupes islamistes et  a aussi été la cible de frappes attribuées à
            en Irak dans le cadre de la coalition inter-
                                                mantelée en 2008. Le chaos irakien consti-  jihadistes plus ou moins proches d'Al-  Israël. Un embrasement en Syrie semble ce-
            nationale contre les jihadistes de l'Etat isla-
                                                tue "l'option la plus probable", selon  Qaïda. Après l'annonce par les combattants  pendant "très peu probable, du moins à
            mique. Elles en forment le principal
                                                Bernard Hourcade, géographe spécialiste  kurdes de la dissolution du califat de l'Etat  court terme", selon Didier Billion, directeur
            contingent avec 5 200 soldats, selon le ma-
                                                de l'Iran et directeur de recherche émérite  islamique, en mars 2019, l'engagement oc-  adjoint à l'Institut de relations internatio-
            gazine Time (en anglais). L'administration
                                                au CNRS. "Il s'agit du seul terrain où Téhé-  cidental a considérablement reculé. Les  nales et stratégiques (Iris). "Pour les Ira-
            Trump a laissé planer le doute sur un éven-
                                                ran peut avoir les troupes américaines dans  Etats-Unis ont annoncé un retrait partiel de  niens, le véritable enjeu du terrain syrien est
            tuel retrait de ses troupes, avant de démen-
                                                son viseur sans s'engager directement dans  leurs troupes, laissant les Kurdes en proie à  de consolider le régime afin de s'assurer un
            tir l'information.  Historiquement, l'Iran a
                                                un conflit armé." L'Iran peut s'y appuyer sur  la Turquie dans le nord du pays. En octobre,  accès à la Méditerranée et à Israël, explique
            toujours exercé une influence forte sur son
                                                "une myriade de milices, qui lui sont tota-  après une offensive turque contre les posi-  le spécialiste de la région. Pour cela, leur in-
            voisin, que ce soit en noyautant le gouver-
                                                lement dévouées", continue Wassim Nasr,  tions kurdes dans le nord de la Syrie, Ankara  térêt est de voir les troupes américaines
            nement, comme l'ont révélé les "Iran Ca-
                                                journaliste à France 24 et observateur du  et Moscou ont signé un accord décisif. Vla-  partir rapidement. Les attaquer aurait l'effet
            bles", ou en soutenant financièrement et
                                                conflit irakien.Hormis les frappes iraniennes  dimir Poutine et Recep Tayyip Erdogan s'im-  contraire."  "Grand ennemi" d'Israël, Téhéran
            militairement des milices chiites. Cette in-
                                                sur deux bases américaines en Irak en re-  posent depuis comme les deux hommes  a soutenu financièrement de nombreux
            fluence s'est accentuée en 2014, lorsque Té-
                                                présailles à la mort de Soleimani, plusieurs  forts du conflit syrien.  En tant que respon-  groupes armés palestiniens. C'est le cas du
            héran a volé à la rescousse de Bagdad après
                                                roquettes se sont abattues sur la "zone  sable des affaires extérieures des Gardiens  Jihad islamique palestinien et du Hamas,
            la conquête d'un tiers du pays par les jiha-
                                                verte" de Bagdad où se trouve l'ambassade  de la Révolution, Qassem Soleimani a joué  qui a livré trois guerres à Israël dans la
            distes de l'Etat islamique. Aujourd'hui, une
                                                américaine. "En réalité, les intérêts améri-  un rôle déterminant pour soutenir le régime  bande de Gaza. Distantes pendant un
            myriade de groupes paramilitaires pro-Iran
                                                cains sont déjà ciblés depuis plusieurs  syrien. Après la mort du général iranien, Ba-  temps, les relations entre le mouvement is-
            évoluent en Irak. Réunis sous la bannière du
                                                mois", remarque Thierry Coville, chercheur  char Al-Assad a dénoncé un "crime perpétré  lamiste et l'Iran se sont réchauffées en
            Hachd al-Chaabi, ils ont été en grande par-
                                                à l'Iris et spécialiste de l'Iran.   par les Etats-Unis" qui "ne fera qu’embraser  début d'année, Qassem Soleimani qualifiant
            tie intégrés aux forces de sécurité ira-
                                                                                    la détermination de la Syrie et de l’Iran à  de nouveau le Hamas "d'ami de Téhéran",
            kiennes.  L'assassinat du général Qassem
                                                    En Syrie : Un conflit risqué    faire face à la politique américaine subver-  selon Al-Monitor (en anglais). D'après le
            Soleimani, commandant de la force Al-                                   sive au Moyen-Orient".Erdogan et Poutine  journal palestinien Al-Quds (en arabe), l'Iran
            Qods des Gardiens de la Révolution et prin-   pour Al-Assad
                                                                                    ont fait une déclaration commune après les  a même recommencé à financer le groupe
            cipal émissaire de Téhéran en Irak, a
                                                                                    frappes iraniennes. "Nous affirmons notre  armé à hauteur de 15 millions de dollars par
            provoqué l'ire de ces groupes armés. D'au-  Depuis le début de la révolte contre le ré-
                                                                                    engagement à désamorcer les tensions  an.   Ismaïl Haniyeh, le chef du Hamas, s'est
            tant plus que lors du bombardement amé-  gime de Bachar Al-Assad en 2011, le conflit
                                                                                    dans la région et appelons toutes les parties  rendu à Téhéran pour rendre hommage à
            ricain, Abou Mehdi Al-Mouhandis, le chef  est devenu extrêmement complexe. Offi-
                                                                                    à agir avec retenue et bon sens et à donner  Qassem Soleimani. Le parti islamiste a salué
            militaire du Hachd al-Chaabi, a aussi perdu  ciellement mobilisées pour lutter contre les
                                                                                    la priorité à la diplomatie", qualifiant au  la mémoire d'un homme ayant "joué un
            la vie. Toutes ces forces, divisées par le  jihadistes de l'Etat islamique qui avaient pris
                                                                                    passage l'assassinat de Soleimani "d'acte  rôle de soutien majeur à la résistance pales-
            passé, ont promis de s'unir contre Washing-  le contrôle de l'est du pays, une multitude
                                                                                    qui sape la sécurité et la stabilité de la ré-  tinienne".
            ton. "Nous allons regrouper les factions de  de puissances étrangères interviennent
                                                                                    gion". Par le passé, l'armée américaine et les
            la résistance en une seule entité, a déclaré,  désormais sur le terrain syrien. Le régime
                                                                                    groupes armés fidèles à Téhéran évitaient
            le 7 janvier, Nasser Al-Chemmari, numéro 2  sanguinaire d'Al-Assad est soutenu militai-                                A Suivre...
                                                                                    tout affrontement pour se concentrer sur
            de Noujaba, l'une des factions pro-Iran les  rement par la Russie et l'Iran. Au sol, le Hez-
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