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ÉTÉ
Plages de Tigzirt (Tizi Ouzou) Feux de forêt Le diktat des parkingueurs
De nombreuses wilayas touchées
LES DERNIERS PLONGEONS Les services des forêts ont enregistré 974 foyers d’in- dies. « Il nous a fallu aller chercher l’eau de la retenue Le phénomène pourrit l’été des vacanciers à Oran
cendies avec une moyenne de 17 foyers par jour (à collinaire d’Aïn Zaouia (Boghni) ou le barrage de e phénomène de l’exploitation illégale
des espaces de stationnement et le
Koudiet Acerdoune », a-t-il précisé. Deux hectares de
titre indicatif), du 1er juin au 27 juillet. Ces incendies
AVANT LE DÉPART ont parcouru une superficie de 6 085 hectares : 1 400 cèdre de l’Atlas, l’espèce emblématique du Djurdjura, Lont donné lieu, dans le quotidien des
racket des automobilistes qui s’ensuit
ha de forêts, 1 900 ha de maquis et 2 700 ha de
ont été consumés par les flammes, ainsi que 85 ha
Algériens, à la naissance d’un vocable qui s’est
broussailles. Chaque feu de forêt a parcouru environ de chêne vert (généralement des formations pré-fo-
imposé par la force : parkingueur. Et en ces
6 ha, précise Abdelghani Boumessaoud, sous-direc- restières), le reste est constitué de broussailles.
jours caniculaires où les familles aspirent à la
teur de la protection du patrimoine forestier à la Di- L’un des facteurs prédisposant à l’enclenchement des
détente et au repos, le long de la corniche
rection générale des forêts. S’agissant des wilayas les incendies consiste, ajoute M. Alilèche, en la nature de
oranaise, et également en ville, les parkin-
plus affectées par les incendies, M. Boumessaoud a la végétation notamment les espèces accompagna-
gueurs sont incontournables et sévissent tou-
cité dans l’ordre Tissemsilt avec 28 foyers de feu et 1 trices du chêne vert qui sont très inflammables. Ainsi,
jours autant. Il y a bien eu un moment de
141,5 ha parcourus par le feu, Tizi Ouzou avec 164 la combustibilité du peuplement joue un grand rôle
flottement et de bonnes intentions procla-
foyers et 962 ha, Aïn Defla (44 foyers, 942 ha) , Béjaia dans les déclenchements des feux.
mées par les pouvoirs publics suite aux
et Médéa. Les trois premières wilayas citées repré- Ahmed Alilèche indique que les feux démarrent à
drames survenus cet été où de paisibles pères
sentent 50% de la surface totale parcourue par les l’interface entre les agglomérations ou les villages
de famille ont été lâchement assassinés par
feux. « D’après nos observations, nos diagnostics et périphériques et les superficies boisées. « Cela veut
des parkingueurs. Mais il faut croire que la na-
nos recherches, 99% des incendies sont d’origine hu- dire qu’il y a quelque part une cause anthropique
ture a horreur du vide, et en cette mi-août où
maine. L’imprudence et la négligence ont un lien di- (due à l’existence et à la présence d’humains, Ndlr)
les gardiens de parking autoproclamés sévis-
rect avec l’activité quotidienne des paysans. Elles et que ce n’est pas le fait du hasard, les feux dus aux
sent toujours autant sur le moindre espace de
sont les deux causes principales des incendies. Les jets de bouteilles ou encore aux foudres représentent
stationnement. Dans la commune balnéaire
agriculteurs, surtout dans les régions rurales et mon- un pourcentage très minime (de l’ordre de 1% à
d’Aïn El-Turck, la chaleur semble avoir as-
tagneuses, utilisent le feu pour assainir leurs assiettes l’échelle mondiale)», selon le conservateur principal.
sommé les résidents et les estivants. La prin-
agricoles. Ils procèdent à des travaux d’entretien Les citoyens qui procèdent à des brûlages sauvages
cipale place publique fait peine à voir : terre
(taille, élagages, désherbage…) et laissent sécher ont également une part non négligeable dans le dé-
battue et ni pelouse ni fleurs ne l’agrémentent oranaise. D’autres vacanciers, en famille, pour faire respecter la loi en donnant des chiffres,
tous ces résidus. Une fois l’été arrivé ils les brûlent. Il clenchement des sinistres, malgré l’existence d’une
es grandes vacances tirent déjà à leur plein du port n’est pas une sinécure. Visi- tout le temps les baigneurs des dangers et seuls quelques palmiers, en fin de vie, y trô- une journée de plage, expliquent qu’ils n’ont mais qui, à vrai dire, ne sont qu’une goutte
faut savoir que le brûlage répond à une réglementa- réglementation interdisant ces pratiques surtout en
fin. Les estivants profitent des ultimes blement à chaque pas on risque facilement qui les guettent ici. De toutes les façons, y nent. À 11 heures du matin, les gros sacs-pou- d’autre choix que de payer le parkingueur, d’eau dans un océan. Ainsi, depuis ce mois
tion de l’administration des forêts », détaille M. Bou- cette période. Ahmed Alilèche appelle à revoir la po-
Lcommunions avec la grande bleue. de s’enfoncer le pied entre les grosses a toujours des habitués qui nagent ici tout belles sont encore essaimés tout autour de jusqu’à 200 DA, et plus grave de se taire de- d’août, 3 parkingueurs ont été arrêtés pour ex-
messaoud. litique de gestion des forêts pointant des manques
Admirant à l’horizon le coucher de soleil pierres. “Le pire c’est de se faire piquer par au long de la journée” essaye de convain- cette place. Le ton est donné avant même de vant le plagiste qui les somme de changer leur ploitation illégale d’espaces de stationnement
notamment en matière d’aménagement des pistes et
depuis le port de Tigzirt, wilaya de Tizi les oursins” met en garde Nassim, un autre cre Lounes, un jeune de Tala Athmane, Parc du Djurdjura : 12 foyers de feu des points d’eau. Au manque d’effectifs des forestiers se rendre vers les différentes plages de cette parasol d’emplacement. “Je suis en famille, si à El-Ançor, et, depuis le début de l’été, 6 cas
Ouzou, des jeunes vacanciers, venus de jeune habitant Paris.”L’eau est vraiment amoureux des zones rocheuses. Malheu- commune, les parkingueurs sont partout, se je réagis, je risque de me retrouver à la d’exploitation illégale de plage ont été traités
Au niveau du parc national du Djurdjura, le nombre s’ajoute le fait que les interventions interviennent «
France, pensent déjà, avec un pincement au chaude. C’est un régal! Seulement avec le reusement, nombreux sont les jeunes qui répartissant les rues, les boulevards, les es- morgue”, confesse un quadragénaire devant par les services de la gendarmerie à Bousfer,
de foyers d’incendies enregistrés depuis le mois de trop tardivement ».
cœur, aux adieux. A une séparation d’avec mouvement de la mer il est plus au moins optent pour ce type de sites. “Dans les paces libres y compris juste à côté du siège de ses enfants. Ce sentiment de crainte est par- Mars El-Hadjadj et encore El-Ançor. On nous
juin -qui marque le début de la campagne anti-in- M. Alilèche lance un appel aux autorités afin d’accor-
l’été algérien qu’ils trouvent aussi chaleu- difficile d’arriver rapidement au pic” pré- zones rocheuses, l’eau est non seulement l’APC. Se donnant un air de légalité, avec un tagé par nombre de familles, de citoyens, qui fait remarquer que, malgré tout, cette année
cendie-, s’élève à 12 foyers, a précisé le conservateur der des projets de proximité pour une meilleure in-
reux que magnifique. “Dans quelques jours vient un baigneur. Et pourtant plonger du pure mais aussi profonde. En outre, on n’est gilet fluo, le gourdin n’est pourtant jamais très subissent et n’osent se plaindre. Un jeune la présence un peu plus visible des forces de
principal et chargé de la cellule de communication tégration des populations locales dans le dispositif
c’est le grand départ. Je reprends le boulot haut de la “corne du bélier” est un risque pas incommodé par le sable encore moins loin, et les allures font penser à tout sauf à de homme accompagné de son amie le dit clai- l’ordre a permis de calmer le jeu du côté des
et de l’information du Parc, Ahmed Alilèche. de préservation des forêts. « Le fait d’avoir des ci-
le 1er septembre. Cela dit, j’ai passé des qui peut engendrer la mort. “Par le passé, par les assourdissants cris des enfants” paisibles gardiens. Aux abords de la plage de rement : “Si j’étais seul, entre hommes, je plagistes et des parkingueurs. Mais si on se fo-
Les incendies les plus ravageurs ont été enregistrés toyens qui font office de vigiles permettrait de ré-
moments de rêve dans mon village et les des nageurs ont perdu leur vie en se fra- énumère le dernier interlocuteur les bien- Cap Falcon, une petite crique qui a connu une pourrais discuter et encore, ils sont souvent à calise sur l’état des lieux au niveau des plages,
à Tikjda, Tala-Guilef et Tirourda, selon lui. Pour en duire les risques de déclenchement des incendies.
plages de Bejaia, Alger et Tizi Ouzou. Je cassant la tête contre l’un des rochers ca- faits de son choix. Cet avis n’est pas du tout extension ces dernières années, il n’aura suffi deux ou à trois, alors je paye pour une jour- les parkingueurs sévissent tout autant en ville
venir à bout, il aura fallu faire appel aux hélicoptères Une fois intégrés dans des projets, ces habitants vont
profiterai jusqu’au dernier jour de cette am- chés sous l’eau. Du haut du pic, même si la partagé par le lieutenant Mohamed Micha- que de quelques secondes pour nous voir in- née, à quoi bon se bagarrer.” qu’ailleurs. Une sorte de mafia organisée qui,
bombardiers d’eau (HBE). L’absence de points d’eau avoir cet esprit d’appartenance», appuie-t-il.
biance si particulière qu’on ne retrouve mer est peu agitée, on ne remarque pas likh, chargé de communication au niveau terpeller par un parkingueur, très particulier, à coups d’invectives, d’insultes et de menaces,
sur site a aggravé la situation et rendu compliquées M. Alilèche appelle aussi à renforcer les effectifs des Parkingueurs de père en fils
nulle part ailleurs” assure Chérif, un ressor- malheureusement les rochers en question. de la Protection civile à Tipasa. Joint par té- criant à tue-tête : “Hé !… ne te mets pas là, va fait régner sa loi le long des trottoirs. Les
les interventions des pompiers, a souligné M. Ali- forestiers en vigiles notamment durant la période
tissant algérien, habitant Paris. “Au Il faut connaître pour plonger sans risque” léphone, il déconseille formellement de plus loin y a de la place, plus haut allez vas- Les anecdotes pullulent sur toutes les plages jeunes femmes sont souvent les premières
lèche. Cela reflète, selon lui, le manque d’aménage- des vacances. «Lorsqu’un incendie se déclare cela
contraire des autres destinations de va- confie un des agents de sécurité du port. nager dans les sites interdits à la baignade. y…”. C’est un gamin, torse nu, sacoche en ban- d’Aïn El-Turck, de Bousfer jusqu’aux Anda- victimes, comme cette conductrice qui s’est vu
ments forestiers en matière d’équipements veut dire que le dispositif préventif a échoué »,
cances, ici, on a toute latitude de se res- Bien que la nage y est interdite, la corne du “ Les statistiques sont formelles. Nos ser- doulière qui, du haut de son 1m 20, veut louses où s’affiche le prix de 100 DA le parking menacer de représailles physiques par un par-
nécessaires à la défense des forêts contre les incen- constate-t-il.
sourcer, reprendre attache avec ses racines bélier attire la foule, même en fin de jour- vices recensent plus de décès dans les rouler des mécaniques. Un gosse de 13 ans à mais où le ticket est estampillé 200 DA. Si, sur kingueur. “Il m’a même interdit de revenir sta-
et s’imprégner autant faire se peut des tra- née, où des jeunes rivalisent pour exécuter zones rocheuses que dans les plages sur- qui on ne l’a fait pas. Nous lui demandons s’il certaines plages, les choses se passent relati- tionner sur son territoire en brandissant un
ditions, surtout durant les fêtes de mariage le plus beau plongeon. “Personne ne veillées. C’est le cas d’ailleurs à Tipasa” sou- est le préposé au parking et sa réponse fuse vement bien, comme à la plage dite l’Étoile ou gourdin. Quand je suis allée au commissariat
dans le village. Ce sont des moments mé- s’aventure dans le bassin d’eau du port. ligne-t-il. Et d’ajouter “ les causes de cet sans aucune hésitation : “Oui, mon père et Bomo-plage, ailleurs ce n’est pas le cas. Un me plaindre, on m’a répondu qu’on allait s’oc-
morables” confirme Yanis, un jeune lycéen Mais, de ce côté, beaucoup de baigneurs écart de bilans sont évidentes. En cas de moi.” Le fait que nous ne voulions rester que exemple très révélateur nous sera raconté par cuper de lui”, mais l’individu sévit toujours au
de Garges les Gonesse, en banlieue pari- s’y donnent rendez-vous pour se défouler noyade dans une zone rocheuse non sur- quelques instants n’a pas plu au père et au fils une mère de famille. “À Bouisseville, un pla- même endroit.
sienne. Sur un rocher proche du port, qu’on entre jeunes, car ici on a les meilleurs veillée, les secours prennent davantage de qui tenteront de percevoir leur dîme. Un tarif giste est venu vers moi pour nous faire partir, La faute, expliquent les forces de l’ordre, aux
appelle communément le Pic, ou bien atouts d’un site de baignade” se targue temps pour intervenir, car il n’y a pas sur qui varie selon la durée de l’occupation d’une j’étais avec mes enfants. Quand j’ai été me plaignants qui ne viennent pas après quand
corne de bélier, des jeunes profitent des ul- Nassim. Mais aussi, les pires pièges pour place un poste. Aussi, il y a plein de pièges, place qui est devenue la propriété de ce père plaindre aux agents de l’ordre sur la plage, ils ils sont convoqués. La situation est telle qu’au-
times rayons rouges du soleil couchant perdre la vie. Preuve en est, à la.nuit tom- à l’instar des rochers non visible en surface et de son fils. Une activité illégale et lucrative m’ont dit de ne pas m’en faire et que, la pro- jourd’hui, dans la société être parkingueur est
pour piquer quelques têtes. “C’est notre en- bée, deux jeunes se sont mis debout sur les et les pierres tranchantes”. Non loin de qui restera comme un héritage dans la famille. chaine fois, j’irai les voir pour qu’ils me trou- un emploi, un revenu fixe, permettant à cer-
droit préféré. L’eau est bonne et on ne deux rochers au-dessous du pic pour que cette zone, une belle plage au long rivage, Les estivants que nous avons rencontrés vent une place.” Cette attitude des tains de se faire une situation sociale, de se
risque pas d’être importunés” assure Samir, les baigneurs les repèrent. “C’est un site in- Tassalasst en l’occurrence, offre toutes les confient rapidement leur peur au quotidien, représentants des pouvoirs publics est décriée construire un logement et de se marier. Mais,
un habitant de Tigzirt. Il faut dire que l’en- terdit à la baignade. Aucun maître-nageur commodités nécessaires pour passer une les contraignant à céder au diktat de partout. de toutes parts et ne peut passer sous silence. malheureusement, le phénomène est avant
droit est tentant. On y accède en descen- ne veille ici sur les baigneurs, et, malgré belle journée d’été. “Entre le Pic ou Tassa- “C’est la jungle, il n’y a pas d’État, on nous Des citoyens vont même jusqu’à conclure à tout celui de l’absence de l’État et du diktat de
dant les gros blocs qui constituent la cela, le site est fortement fréquenté” lasst le choix est vite fait pour moi. J’opte laisse seuls face à des voyous, c’est tout ce une “forme de complicité” ou de laisser-faire la “voyoucratie”, dans une société qui prend
protection du rivage, mitoyenne du bassin s’étonne un estivant venu au port pour se toujours pour la sécurité, donc pour Tas- qu’ils sont”, lâche un père de famille venu de qui perdure depuis des années. Pour leur dé- des allures de Far-west, comme nous le diront
du port. Atteindre l’eau depuis le terre- promener avec ses enfants. “ On prévient salsst” conseille un estivant. la région ouest pour 10 jours sur la corniche fense, les forces de l’ordre assurent sévir et la plupart de nos interlocuteurs.