Page 39 - Magazine tarot Papesse ebook
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Il refait subitement sombre.
                   -  Mais,  s'empresse-t-elle  d'ajouter  dans  un  souffle  de  voix  qui  se  fait  soudain

                   confidentiel,  comme  si  elle  trahissait  un  secret  d'initié  ou  commettait  une  faute
                   professionnelle grave, mais, je vais vous donner une adresse.
                   Une  adresse  !  Encore  une  personne  à  rencontrer  sans  doute. A  qui  re-raconter  mon
                   parcours. Encore une personne qui va s'apitoyer sur mon sort avant de soupirer qu'elle
                   ne peut rien pour moi. Et qui m'enverra à une autre adresse. Je m'apprête à protester,
                   non merci, j'en ai ma claque d'être promené de bureau en salle d'attente et d'employé
                   administratif à agent de l'Etat. Finalement, je n'étais pas si mal, sous les ponts et dans le
                   métro. Là au moins, les gens que je croisais et avec qui je partageais la maigre pitance
                   quotidienne et un bout de couverture la nuit, ne me demandaient rien. Ils m'acceptaient
                   comme l'un des leurs. Quel que soit le ramage ou le plumage, un mec qui erre, est un
                   mec qui erre. Je soupire.
                   - Voilà. Rendez vous là. Dites que c'est moi qui vous envoie.
                   Elle griffonne un nom et une adresse au dos de sa carte de visite, me la tend avec un
                   sourire plein de compassion et d'empathie.
                   Je sens immédiatement un souffle de chaleur humaine me transpercer. Il y a longtemps
                   que je n'avais ressenti pareille émotion.
                   - Merci madame, me limité-je à chuchoter à mi-voix. Merci.
                   Je ne pose pas de question. Je sens que ce contact n'est pas administratif. On m'envoie

                   rencontrer quelqu'un.
                   Nous  nous  regardons  un  instant  encore.  Son  visage  est  toujours  blanc,  ses  mains
                   tremblotent un peu et mon dossier est toujours étalé sur le bureau. Elle le referme, se
                   lève et d'un pas lent se dirige vers la fenêtre. La dame du Ministère tire le voile devant la
                   fenêtre. La lumière pénètre dans le bureau, un rayon de soleil m'atteint en plein visage.
                   Sa chaleur me fait du bien, la dame se retourne et me sourit. J'ai chaud.

                   Je  me  lève,    lui  serre  la  main
                   et m'en vais sans un bruit.
                   Le  soleil  me  réchauffe  le  dos.
                   Je  sens  son  regard  qui  me
                   suit. Je me sens ravigoré.
                   Une fois sur le pavé de la rue,
                   je me retourne et lève les yeux
                   vers  un  bureau  du  deuxième
                   étage.    Le     temps     d'un
                   mouvement,      j'aperçois   un
                   voile  qui  se  déplace  le  long

                   d'une  fenêtre.  Quelques  pas
                   plus  tard,  je  sors  la  carte  de
                   visite,  lis  l'adresse  et  change
                   de direction.
                                                                             ... la suite dans le prochain magazine ...
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