Page 32 - Magazine tarot Mat ebook
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"La plus grande gloire n'est pas de ne jamais
tomber, mais de se relever à chaque chute."
Confucius
Le sac est lourd. Il est pesant à porter. Et c'est pourtant tout le bien que je possède. Rien et
tout, à la fois. J'ai tout perdu, je suis seul, je ne suis plus rien. Mon carton, matelas de
fortune est la seule chose sur laquelle je me repose. Le bonnet bien enfoncé sur
mes oreilles me tient au chaud. Il m'empêche aussi d'entendre les railleries de mes
contemporains. J'erre, je me bringuebale tant bien que mal. Ne pas rester immobile, ne pas
prendre froid.
Je dois avancer.
Mon bâton bat fermement le pavé, arme contre l'ennemi éventuel. Mon fidèle compagnon
me pousse et veille sur moi. J'ai faim. Quelqu'un me fera-t-il l'aumône en ce jour ? Vais-je
pouvoir mettre de la nourriture dans ma cuillère que je tiens sur l'épaule ou, une fois de
plus, mon accoutrement disparate effraiera-t-il le bourgeois, qui fermera portes et fenêtres
à mon passage ? A chaque pas suffit sa peine. Je n'en suis pas encore là.
J'avance.
Tourner à gauche et commencer la montée. Les marches sont nombreuses. Elles vont me
faire mal aux tendons. Achille. Curieux, cette histoire que l'on m'a racontée au coin du feu,
sous le pont. Il avait tout pour réussir, ce gars-là. Il était - comment disait-il encore, le petit
vieux au bâton tout tordu, qui tenait sa lampe de poche braquée sur nous, tout en racontant
son histoire (9/) - il était béni des dieux, oui, c'est cela, béni des dieux. N'importe quoi !
N'empêche, qu'il s'est fait attaquer comme un bleu, pris par derrière, d'une flèche envoyée
en plein dans le mille. Un peu comme moi, finalement. J'avais tout pour réussir. J'avais tout
réussi.
J'avais avancé.
Belle situation professionnelle, stable et confortable. Femme merveilleuse avec qui j'avais
fondé un foyer, engendré un beau petit garçon ... Il doit être ado maintenant. Où sont-ils,
que deviennent-ils ? Oh, il y a si longtemps ... Depuis le jour où j'ai pété un câble au
bureau. C4 pour faute grave. Les catastrophes de s'enchaîner alors : pas droit au
chômage, sombré dans l'alcool, ma femme m'a quitté, avec le gamin. Je n'ai plus su payer
le loyer. Et me voilà. A la rue. Tout ça pour une erreur, une simple erreur de parcours.
Je dois avancer.
Tourner à gauche et monter les marches. Une par une. Puisse chacun de
mes pas me permettre de voir clair en moi. Prendre une à une toutes les
pièces du puzzle de ma vie et les poser sur la table de ma vie (1/). Voir clair.
Comprendre (2/). Me trouver un projet (3/). Le concrétiser.(4/) Renaître !
Ultreïa !
... la suite du récit ... dans le prochain magazine...
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