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Ah,  merveilleux  ermite,  que  n'as-tu  éclairé  mon  enfance  du  rayon  de  soleil  de  tes

              récits magiques... Souvenir des jours heureux.
              Mais je m'égare.
              Dix ans d'errance, disais-je. Dix ans pour m'être pris pour Fangio, avec mon char qui

              ne riait pas haut pour l'occasion. J'ai joué la Grande Faucheuse, un soir de retour
              d'agapes fraternelles trop arrosées. Ce couple de jeunes amoureux qui circulait sur le
              bas-côté  de  la  route...  ils  avaient  trop  trinqué,  eux  aussi.  Et  à  mon  arrivée,  ils  ont

              voulu faire du "stop", me barrant quasiment la route. Ravages de l'alcool. De part et
              d'autre. Mais c'est moi qui étais en voiture et c'est moi qui les ai écrasés. Dix ans.
              Parfois je repense à eux, parfois j'essaie de réécrire l'histoire.

              A quoi cela sert-il ? Le passé n'existe pas. On ne refait pas hier.


              Après avoir purgé ma peine, je me suis retrouvé seul, sur le pas de la porte de la

              prison.
              Personne pour m'attendre. Ni parent, ni ami. Sans logement. Un brave sans papier

              qui sortait le même jour que moi, m'a hébergé quelque temps chez des amis "de la
              famille".
              Trois mois plus tard, j'ai pris mon baluchon. J'ai bougé. Je ne vois pas d'autre terme
              pour expliquer la façon dont j'ai tué le temps. Bouger. Condamné à errer dehors, sous

              le soleil le jour, la lune et les étoiles la nuit, j'ai donc connu l'errance...  J'ai voyagé.
              J'ai sur-vécu.


              Et  me  voilà.  Dans  ce  drôle  de  bâtiment.
              Devant  un  brave  fonctionnaire  qui  se

              demande ce qu'il doit faire avec toutes ces
              bricoles. C'est vrai qu'il n'y a vraiment rien
              d'utile là-dedans. Et encore moins d'objets
              de  valeur.  Si  ce  n'est  les  souvenirs  qu'ils

              charrient  avec  eux...  Machinalement,  je
              reprends le jeu de tarot qu'un SDF m'avait

              donné  lors  d'un  passage  à  Paris.  Je
              l'enfonce dans ma poche.
              Et,  suivant  une  injonction  du  bras,  je  me

              dirige vers une porte blanche. Je dois aller
              parler à une dame qui se trouve derrière,
              me dit-il.





               ... la suite dans le prochain magazine ...
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