Page 27 - PROJET TUTORE 2018
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ANNEXE 1
        La dérive capitaliste de l’art contemporain




        LA RAPACITÉ des  capitalistes  est sans limite. Dès les  premières  pages du  Manifeste du
        Parti Communiste, Marx et Engels en dressent l’accablant constat : « Elle a fait de la dignité
        personnelle une simple valeur d’échange; elle a substitué ; aux nombreuses libertés, si chèrement
        conquises, l’unique et impitoyable liberté du commerce. En un mot, à la place de l’exploitation
        que masquaient les illusions religieuses et politiques, elle a mis une exploitation ouverte, éhontée,
        directe, brutale. La bourgeoisie a dépouillé de leur auréole toutes les activités qui passaient
        jusque-là pour vénérables et qu’on considérait avec un saint respect. Le médecin, le juriste, le
        prêtre, le poète, le savant, elle en a fait des salariés à ses gages. »

        L’artiste au même titre que le poète en est aussi la victime mais les arts et l’art contemporain
        en particulier restent un champ peu investigué par l’analyse marxiste qui préfère se concentrer
        sur l’économie et les sciences sociales concernant plus directement son combat. L’erreur serait
        de laisser l’apanage de la critique des arts aux seuls réactionnaires, parangons de l’ordre moral,
        ainsi qu’aux nouveaux chantres de la permissivité néolibérale qui voient dans l’art une nouvelle
        opportunité de façonner les esprits aux critères d’un marché où tout est permis du moment que
        l’argent tombe dans la poche des actionnaires.


        Deux événements récents viennent éclairer cette approche de classe sur les dérives de l’art
        contemporain, ainsi que la tentative par les capitalistes de s’approprier sa définition à des fins
        purement marchandes. Il s’agit de la captation de l’art par des intérêts privés avec l’ouverture
        récente à Paris de la Fondation LVMH du milliardaire Bernard Arnault. A ce scandale s’ajoute
        celui de Tree, « œuvre » maintenant plus connue sous le nom de  Plug anal de « l’artiste » Paul Mc
        Carthy, exposée éphémèrement à l’occasion de la FIAC, place Vendôme, en face de la colonne
        du même nom. Une baudruche de 24 mètres de haut en forme de sextoy ? Sapin de Noël ?
        Ou bien des deux, c’est au choix du « regardeur ». La question de la sexualité taraude depuis
        toujours les artistes et les surréalistes en particulier. « De nos jours, le monde sexuel n’a pas, que
        je sache, cessé d’opposer à notre volonté de pénétration de l’univers son infracassable noyau de
        nuit » écrivait André Breton ; à cette aporie, l’issue pour lui qui dénonçait le libertinage se situait
        plutôt dans une quête personnelle acharnée de l’amour fou. Bien sûr, la représentation sexuelle
        d’un sapin de Noël n’est pas en soi scandaleuse, mais son exhibition dans un espace public
        privatisé avec l’autorisation de la Ville de Paris se doit avant tout de choquer. Certains critiques
        ne s’en cachent pas, selon le magazine Les Inrockuptibles, le but avoué de ces « fragments de         A  N  N  E  X E S
        débauche pour rire », serait de « mettre à mal la croyance en l’enfance comme âge de l’innocence
        » et de vivement nous « conseiller de jeter un œil aux godes chocolatés sagement brandies par
        les Pères Noël que le même Mc Carthy produira dès la semaine prochaine dans sa Chocolate
        Factory présentée dans les nouveaux espaces de la très respectable Monnaie de Paris ». Selon
        les mêmes critiques,ces artistes « singeraient l’univers porno et dénonceraient la surabondance
        d’une société américaine vautrée dans la bouffe et l’Entertainment ».



















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