Page 26 - Livre Kreitman-Ledermann nov 2019
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“J’ai passé mon enfance entre 2 rues, la Walvistraat et la Stierstraat.
Je ne me rappelle que de peu de choses de l’appartement
que nous louions dans la maison du numéro 5 de la Walvisstraat dans lequel je suis née. Nous occupions le premier étage et je crois que les garçons habitaient au second. Une autre famille habitait au rez-de-chaussée. Je partageais ma chambre avec ma jeune sœur Eva. Je me revois seulement souvent assise sur l’une des trois marches en pierre du perron.
Et il est vrai que j’avais déjà du caractère...
Maman avait une façon toute particulière de me gronder. Lorsque je faisais un bêtise, elle me disait “Loulou, du bist dokh a git kind, zei nicht schlecht !“, “Loulou, tu es tout de même une bonne enfant, ne sois pas méchante...“. C’était sa façon à elle de me corriger.
Un autre souvenir ? Dans le temps, des sonnettes ou timbres métalliques suspendus aux portes d’entrées permettaient d’annoncer sa présence aux habitants d’une maison... Nous les appelions des “floches“. Et bien-sûr il était très amusant lorsque nous passions devant une floche de la tirer de toutes nos forces avant de nous sauver en courant... Nous appelions cela belleke trek.
Je me souviens de la réaction de maman le jour où j’ai joué à belleke trek alors que nous étions ensemble dans la rue.
Surprise, elle s’est sauvée en s’écriant : “Aiehh ! Und leicht ve a feigele bin ikh entloffen“, en d’autres termes, “Et légère comme un oiseau je me suis échappée“...
Et maman n’était pas légère... Et j’adorais cette expression. Car maman parlait un peu le litvish (dialecte connu comme le yiddish du Nord-Est . Elle ne parlait pas l’ashkenazi comme nous.
“Sur cette photo, on peut lire, sur mon visage le mécontentement d’alors...
Je nous revois, Éva et moi, chez le photographe, je devais avoir 4 ou 5 ans. Dans ces années-là, se faire prendre en photo était une véritable expédition : il fallait même prendre un rendez-vous.
Pour faire les photos, on mettait souvent une grande poupée dans les mains des petites filles... Et ce jour-là, c’est Éva qui a reçu la poupée que j’aurais tant aimé serrer dans mes bras...“
1924-1925- Éva et Loulou entourent leur petit cousin David (Doudi), le fils aîné d’Esther
  





















































































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