Page 27 - Livre Kreitman-Ledermann nov 2019

“Je ne sais pas en quelle année nous avons déménagé pour la Stierstraat (en 1934, Rachel a alors 14 ans), mais j’y dormais également au premier étage avec Éva. Notre petite chambre était étroite, avec une petite fenêtre. Là, je me plaisais à effrayer Éva, lui susurrant au moment où elle allait s’endormir qu’un voleur se trouvait sous son lit ou que quelqu’un allait entrer par la fenêtre... Ce dont j’avais moi-même peur !
Une fois pourtant je lui ai sauvé la vie... Nous jouions dans la rue, nous étions petites, et elle avait noué et serrait un fil autour de son nombril qu’elle avait proéminent... Au bout de quelques minutes, elle a commencé à dire qu’elle ne se sentait pas bien. Poussée peut-être par mon instinct, je suis allée frapper à la fenêtre d’une voisine que nous connaissions et qui habitait un rez-de-chaussée dans une rue adjacente. “Regarde ce qu’elle a fait ! Elle n’est pas bien !...“ Et la gentille voisine de prendre une paire de ciseaux et de couper le fil... Ce jour-là je l’ai sans doute sauvée...
J’ai encore de drôles de souvenirs en tête.
Par exemple, nous prenions ensemble le tram qui nous amenait à Wilrijk où le club de sport Maccabi
s’était installé depuis 1924, quatre ans
après sa création à Anvers... Presque arrivées à l’arrêt, Éva a sauté du tram... J’ai pour ma part, attendu l’arrêt complet pour descendre...
Tant que nous étions au Maccabi, j’étais la plus sportive des deux. Je fréquentais la salle de gymnastique, Éva était encore petite pour ça, ou elle allait peut-être dans un groupe d’enfants plus jeunes, je ne sais pas... Maman acceptait que nous allions y faire du sport parce que Jos
en faisait déjà partie et surtout parce que Maccabi était neutre, elle n’avait aucune ligne politique et parce que l’association était pour Israël. En fait j’ai quitté le Maccabi parce qu’il était neutre...
Leah pour sa part faisait partie de l’Agoudat Israël, chez les frimme.
Il y avait là un deuxième étage et aussi un grenier... Un souvenir est resté très net dans ma mémoire ; je me rappelle que Duved chauffait dans la cuisine les lourds fers à repasser qui donneraient un pli impeccable à ses pantalons... C’était un tel fatset comme on dit en yiddish, un “dandy“... Je pense qu’il devait partager sa chambre avec Jos, car notre appartement n’avait pas tant de chambres que cela. Nous étions pauvres.
Aussi, chacun aidait à sa façon. Leah se fournissait en laine auprès d’un grossiste ou d’un magasin puis elle tricotait des petites brassières, des pulls et toutes sortes de jolies choses qu’elle posait sur le rebord de la fenêtre sur un petit étalage arrangé avec goût. Et elle avait des clients ! Ce qu’elle gagnait lui permettait de payer la laine et d’aider maman. Leah était formidable ! Dans ma jeunesse, elle était mon Dieu.
Esther a quitté la maison lorsque j’avais un ou deux ans, Bessie lorsque j’en avais treize ou quatorze.
Bessie épouse Eliakim Getzel (“Georg“) Schreiber en 1934
Esther épouse Abraham (“Avroumtche“) Kanner dans le courant des années 20.
Duved