Page 16 - Le Japon avril 2019
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Teshima
Les Archives du coeur de Boltanski
Boltanski est certainement l’artiste français le plus prisé au Japon. On lui voue même un véritable culte. De plus, la démarche qui est ici la sienne - enregistrer le battement de cœur de celles et de ceux qui veulent bien se prêter au jeu dans une petite pièce immaculée ; faire entendre aux visiteurs d’autres battements dans une salle tout en longueur, éclairée seulement par une lampe s’allumant au rythme du dit coeur, laquelle permet de découvrir par intermittence des miroirs placés à hauteur d’homme le long des parois -, cette démarche sensible, « romantique », ne peut que toucher l’âme des Japonais et surtout des Japonaises.
Les archives du coeur
Le fait que ces battements de cœur proviennent, selon les vœux de l’artiste, du monde entier est un autre atout de taille. Le dispositif frise la perfection et séduit. Très
« artistiquement correct » et un peu too much à notre goût, même si nous reconnaissons là l’artiste doué et roué que nous admirons depuis longtemps.
Celles et ceux qui choisissent de faire don de leurs battements de cœur au musée se voient remettre, moyennant le versement d’un écot, une disquette d’enregistrement. Une petite cocasserie : les Japonais évitent le plus souvent tout contact physique avec l’autre. Ici, pas de poignées de main et encore moins de bisous. Or la salle d’écoute du musée est le plus souvent plongée dans l’obscurité, ce qui ne manque pas de provoquer quelques télescopages incongrus...
Ce que nous avons aimé : l’emplacement du musée, ses dimensions, la couleur de la maisonnette, l’infinie patience des pèlerins, et surtout la joyeuse contradiction, ce jour-là, entre des éléments déchainés et le battement des cœurs.
Nouvel Obs