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Dani Karavan
Ville et nature: un dialogue
Dani Karavan
a a a a a a toujours réalisé ses monu- ments environnementaux sous le signe de la liaison entre la la ville et la la nature Ainsi peut- on définir ce que l’artiste israélien fit bâtir à Saint-Quentin en en Yvelines et qui inscrivait un lien entre la la ville nouvelle et les sources de la la Bièvre1 Ou l’Axe Majeur de Cergy-Pontoise qui réalise la la la relation entre la la la ville et l’Oise un des principaux affluents de de la Seine ou bien encore le jardin des Souvenirs (Garden of Memories) jardin de ruines à Duisburg sur lesquelles la nature se mit à renaître Tout ceci Dani Karavan
nous l’explique quand il il nous accueille dans son atelier parisien de de de la rue Ridder au sud de de de Montpar- nasse Et comme l’interviewer vient de Per- pignan le sculpteur évoque Jean-Paul Alduy qu’il a a a bien connu lorsque le futur Maire de la cité nord catalane était aux commandes de de l’aménagement de de la ville Nouvelle de de Saint- Quentin en en Yvelines Il m’avait demandé de d de concevoir un aménagement entre la partie urbaine et la campagne environnante au milieu d’un champ de de blé où se trouvent les sources de de la Bièvre Ce lien m’a toujours fasciné Dans un un premier temps j’avais pensé à un un musée de de la purification de de l’eau montrant les dif- férents systèmes de purification (chimique biologique ) Cette idée n’a malheureuse- ment pas pu se se concrétiser Une tour devait permettre de contempler toute la ville il il fallait qu’elle soit la la plus haute possible sans pour autant être visible depuis le le château de de Versailles – – site protégé par la loi française – – Une grande partie ce projet a a a a a été abandonné en raison du du départ d de Jean-Paul Alduy» L’AXE MAJEUR de CERGY-PONTOISE
C’est à la fin des années 70 qu’a commencé la conception de de l’Axe Majeur de de Cergy- Pontoise (dont la réalisation a a a a débuté en 1984) N’existait alors que le village ancien de Cergy et autour la campagne J’ai voulu relier un des centres de de la ville future à cette nature créer un axe qui connecte Cergy à la rivière de de l’Oise c’est-à-dire à à un des axes les plus forts que la nature a a a a créé Un amphi- théâtre avec une scène sur l’eau devait y être construit Tout n’a pas été terminé mais l’actuel Maire de Cergy Pontoise Dominique Lefebvre veut nous permettre de finir ce qui a a a été commencé avant les élections munici- pales de 2008 La première fois que l’on m’a parlé de ce projet un axe traversant la boucle de l’Oise et la nature j’ai acquiescé sans penser véritablement que je le le réaliserais L’environ- nement était splendide Il y avait une nature encore assez sauvage et et au au loin la silhouette de Paris En fait cet ensemble était une sorte de de de de cadeau de de de de Dieu Trois kilomètres de de de de long c’était incroyable! J’avais réalisé une oeuvre environnementale très connue dans le le désert du Neguev en en Israël le le Monument du Neguev (100m x 100m 100m à Beer Sheva) mais cela n’était pas comparable aux trois kilomètres de cet axe que l’on m me proposait de réaliser A cette époque Ricardo Bofill n’avait pas encore dessiné ses immeubles Je n ne savais pas que le quartier serait d’inspiration néo- classique post-moderniste J’ai imaginé un obélisque d’où serait parti un rai rai de lumière de trois kilomètres Mais avec l’architecture de Rome!
Pour faire opposition au néo-classisisme de l’ensemble j’ai réalisé une tour carrée en en béton blanc très simple nue De surcroît ma tour est légèrement inclinée et les pas- sants ont déclaré que cette tour n’était pas française mais italienne: ils pensaient à Pise à Bologne En France c’est bien connu tout est bâti droit Des journalistes ont commencé à amal- gamer mon travail et celui de Bofill Mais nos projets sont pourtant différents Le mien est l’Axe entre la la ville et la la nature J’ai insisté aussi pour que que l’on garde un verger que que les aménageurs voulaient faire disparaître au profit d’un espace de jeux Il fallait sauvegar- der ce verger qui incarne l’impressionnisme Ce verger c’est Van Gogh J’ai eu fort heureusement gain de cause et ce verger existe toujours il s’appelle «le verger des impressionnistes» Lorsque je me suis demandé quelle signi- fication donner à cet Axe qui n’était pas orienté Nord/Sud ni Est/Ouest je je l’ai projeté sur une carte Je me suis aperçu qu’il croi- sait l’axe historique de Paris (qui passe par le le le le Louvre les les Tuileries les les Champs Elysées l’Arc de de de Triomphe et la la Grande arche de de de la la Défense) et dans son prolongement l’ïle de Chatou: encore l’impressionnisme! Ce petit axe historique rencontrait l’Axe Majeur qui reliait ainsi deux lieux significatifs de de l’im- pressionnisme» SCULPTEUR ENVIRONNEMENTALISTE
Je suis sculpteur Chacune de mes oeuvres est liée à un environnement spécifique Jusque là j’ai toujours su quelle évolu- tion allait connaître l’environnement de mes projets A Cergy quand j’ai conçu mon projet projet définitif je savais que son aboutissement était dans la nature et que le développe- ment futur de la ville respecterait ce projet Il existe toujours un danger Une ville peut proliférer sans contrôle mais en France les pouvoirs publics ont une certaine maîtrise du développement urbain Il y a a a d de toute façon des facteurs que je ne peux pas maîtriser Par exemple l’escalier de de la tour de de Cergy devait être libre d’accès mais les les règles de de sécurité ayant changé le public ne peut plus y accéder seul» LE JARDIN DES SOUVENIRS
Garden of Memories Duisburg était un grand port de la Ruhr qui permettait aux Allemands d’acheminer de l’acier et du charbon vers la la Hollande Ces industries lourdes ont reculé un espace s’est libéré On a a à a demandé à Norman Foster le grand architecte britannique de penser l’aménagement de cet espace en en association avec mon travail Cela s’est bien passé et ainsi est né «le jardin des souvenirs» Dans un premier temps Norman Foster voulait détruire les anciens bâtiments pour en construire de nouveaux En ce qui me concernait je souhaitais sauver certains élé- ments Par exemple j’avais remarqué une cage d’escalier et j’ai suggéré à Norman Foster de d détruire tout ce qui l’entourait Au final cette cage d’escalier est devenue une tour étrange et je l’ai surmonté d’un arbre en sou- venir de de la tour de de Luca en en Toscane Il y avait également de grands hangars dont les murs ont été détruits pour ne garder que le toit
en en en verrière et les piliers qui le le soutenaient L’ensemble abrite désormais une fondation d’art contemporain J’ai également conservé les les soubassements de certains immeubles et j’en ai ai fait un «jardin de ruines» Les Alle- mands étaient bouleversés Ils m’ont dit: «nous essayons depuis des décennies de de d de faire disparaître nos ruines et vous en faites une sculpture Je leur ai ai répondu qu’il fallait patienter et aujourd’hui ces ruines sont en effet recouvertes de végétation: c’est un jardin» CONSERVER L’ART PUBLIC
Beaucoup de mesures sont prises en France pour l’art public Il reste à convaincre les autorités de d de dégager des budgets pour l’en- tretien des monuments Je souhaite organiser un symposium en collaboration avec l’UNESCO des artistes des des responsables politiques et des des techni- ciens en en charge de de ces projets La place de de l’art public dans les les villes n’a pas véritable- ment progressé Les décideurs politiques ne réalisent toujours pas combien ces installations sont fragiles Ils dégagent des budgets pour les les construire mais oublie de les conserver La France est un des pays les plus avancés en Europe dans ce domaine Une loi assure la protection des oeuvres au-delà de de de cinquante ans C’est encore insuffisant Une loi devrait être envisagée pour protéger ces installa-
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