Page 65 - Fleurs de pavé
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Claude Cotard – Fleurs de Pavé.
Il y a beaucoup de SDF qui se démène pour s'en
sortir. Et pour ça, pas moyens autrement qu'en passant
par les services sociaux !
Dans la rue tout devient difficile, se laver et se soigner,
s'habiller et manger. Et puis bien sûr dormir.
Espérer recommencer à travailler est un luxe pour moi
alors que je n'ai pas d'adresse à donner à l'employeur
potentiel, nul endroit pour recevoir du courrier.
Mais il y a encore plus dur, être écouté sans être jugé.
Être accompagné pour connaître vraiment mes droits et
avoir une autre chance. Ou simplement croiser un regard
sympathique, être accueilli, me confier ou partager un
moment de paix avec quelqu'un avec qui je peux parler.
Je suis devenu une ombre qui se cache, qui a honte.
Et quand je vois les collègues être malades, anémiés, avoir
des maladies de peaux et tant d'autres maladie dues à un
manque de tout, avec un suivi médical plus que précaire,
ce n'est pas rassurant. Déjà que de ne pas prendre de
douche tous les jours mais au mieux une fois par semaine,
ça ne m'aide pas moralement.
Je suis concentrée sur ma survie dans la rue, à ne pas me
faire voler mes affaires, déjà que je n'ai plus grand chose...
Exposés à toute sorte de dangers, je vie dans un danger
permanent.
La tentation de renoncer peut alors devenir une idée
séduisante, mais elle ne m'atteint pas encore.
Aucune pensée de suicide, réponse qui présente
l'inconvénient d'être irréversible. Je me blinde de plus en
plus.
J'en vois beaucoup s'abîmer à coup d'alcool, mais très vite
il ne reste plus grand chose d'eux à récupérer.
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