Page 8 - L’aventure, l’ennui, le sérieux V. Jankélévitch
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8 PRÉSENTATION
prolifique, philosophe et musicologue, il hérite de son père l’amour et le respect de la culture russe. L’expé- rience de la Seconde Guerre mondiale le transforme : il mesure l’importance de ses racines judaïques et éprouve le sentiment d’être à la fois français et étran- ger, ou, comme il le dit lui-même, « du dehors et du dedans1 ».Sansdoutecesentimentdesetrouversur un seuil, au point tangentiel où se rencontrent les cultures de l’Europe de l’Ouest et de l’Est – et de l’une à l’autre, les cultures juives de la diaspora –, traduit-il assez justement l’équivoque fondamentale de son existence. Sa philosophie tout entière est contenue (au sens d’une réserve pudique, et non d’un lieu de conserve) dans l’intuition que cette équivoque est en réalité le propre de toute chose.
Aussi ne s’étonnera-t-on pas de retrouver sous sa plume différentes formules de cette tension entre les contraires, dans un effort permanent pour en réarticuler les termes. Alternative, équi- voque, ambiguïté, dedans/dehors : c’est le mystère de la vie même, et en particulier de celle de Janké- lévitch, que ces notions s’efforcent d’exprimer, et qu’il ne cesse de convoquer dans sa méditation sur « L’Aventure » pour en définir la nature para- doxale. Cela revient à dire que l’aventure est avant toute chose écartelée entre des exigences contra- dictoires. Elle témoigne d’une grande tension,
1. « Vladimir Jankélévitch », L’Arc, no 75, 1979, p. 8.