Page 9 - L’aventure, l’ennui, le sérieux V. Jankélévitch
P. 9
L’AVENTURE – V. JANKÉLÉVITCH 9
celle qui accompagne le sentiment d’être à la fois grisé et effrayé par la prise de risque. La pensée de l’aventure et l’aventure de la pensée sont les deux versants qui, sur les plans inséparables de l’expérience vécue et du discours, font de la philo- sophie de Jankélévitch à la fois une pensée du devenir et une pensée en devenir.
UNE PENSÉE DU DEVENIR : LA PENSÉE DE LA VIE ET DE L’ÉTHIQUE CONCRÈTE
À l’origine de la philosophie, rappelait Jankélé- vitch dès ses travaux de jeunesse1, deux concep- tions de la pensée s’opposent chez les présocratiques. C’est au regard de cette opposi- tion que prend sens la philosophie de Jankélé- vitch. Parménide (fin du VIe siècle-milieu du Ve siècle av. J.-C.) soutient que la pensée est la seule réalité véritable, car elle seule permet d’accéder au «cœur sans tremblement de la vérité 2 », tandis que le monde sensible est en mouvement et change sans cesse. Seul ce qui est
1. « Georg Simmel, philosophe de la vie (1925) », repris comme préface à G. Simmel, La Tragédie de la culture, trad. S. Cornille et Ph. Ivernel, Payot, 2006, p. 13.
2. Pour les textes de Parménide, on peut se reporter au recueil Les Écoles présocratiques, éd. J.-P. Dumont, Galli- mard, « Folio essais », 1991, p. 345-362, dont nous avons ici modifié les traductions.