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Les résultats des campagnes archéologiques du printemps 1995 et des étés 1996 et 1997 se sont soldés par la découverte de plus de 5000 objets-témoins de la vie domestique, militaire et maritime du 17e siècle!
« L’épave de l’anse aux Bouleaux possède plusieurs caractéristiques d’un grand intérêt historique et archéologique. En plus d’être la plus ancienne au Québec, elle renferme quantité d’informations fort recherchées sur la construction navale au 17e siècle en Amérique. Sa collection d’artéfacts s’avère très riche, non pas pour sa valeur mar- chande, mais pour les renseignements très pré- cieux qu’elle livre sur le mode de vie de l’époque et sur l’expédition elle-même. »2
L’identi cation de l’épave
Au moment de la découverte de l’épave de l’anse aux Bouleaux, personne n’avait idée de son iden- tité. Ni la toponymie ni la tradition locale n’avait conservé de traces de ce naufrage. Tels des détectives, les chercheurs ont dû recueillir tous les indices possibles a n d’élucider cette énigme.
La première étape a été de tenter de cerner l’origine du navire ainsi que la date de son naufrage. Pour ce faire, les chercheurs se sont penchés sur les objets recueillisouobservésen1995.L’étudedelaformeet la typologie des objets – des bouteilles, des fusils et un pistolet – suggéraient une date remontant à la n du 17e siècle ou, peut-être, au début du siècle suivant. Par ailleurs, la céramique, les bouteilles à vin, les armes à feu et une écuelle en étain indiquaient une origine anglaise probable, alors qu’une pipe en terre cuite rouge et une vaigre3 en pin blanc dans la section préservée de la coque laissaient plutôt croire que le navire venait de la Nouvelle-Angleterre.
Ces observations ont permis d’orienter les recherches en archives. On a d’abord fouillé les documents d’époque ainsi que les études histo- riques modernes a n de recenser les naufrages dans le golfe du Saint-Laurent. La période ciblée par l’analyse des artéfacts, soit la n du 17e siècle et le début du 18e siècle, correspond au début des guerres intercoloniales entre la Nouvelle-France et la Nouvelle-Angleterre. Cela cadrait bien avec les premières constatations faites sur le site : une origine anglaise probable et la prédominance d’objets militaires (armes à feu, etc.).
Les recherches documentaires ont permis d’en- visager deux possibilités : il pouvait s’agir d’un navire de la otte de Sir Hovenden Walker, qui, en 1711, perdit huit navires dans les environs de l’île
2 DUBREUIL, Steve. Participation du Québec au projet de répertoire canadien des lieux patrimoniaux, volet archéologie – Étude sur les sites archéologiques préhistoriques et historiques – Carac- téristiques de la région de la Côte-Nord du Québec, Rapport nal remis à la Direction du patrimoine du ministère de la Culture et des Communications du Québec, Sept-Îles, Québec, 2007, p. 80.
3 Bordage couvrant l’intérieur des membrures d’un navire.
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1- Découverte d’une poignée d’épée, avec garde, pommeau et fourreau de lame. Le métal de la garde et du pommeau de l’épée est très détérioré et s’est transformé ni plus ni moins en poudre solide, donc il est extrêmement fragile. Photo : Marc-André Bernier, Parcs Canada
2- Plusieurs artéfacts sont réunis ici. Le travail méticuleux des fouilleurs a permis d’identi er un couvercle de barrique percé d’un tube en laiton pour vider son contenu, une courroie en cuir (au centre de la photo) qui semble se prolonger sous le couvercle, une cartouchière (à droite du couvercle) et un canon de fusil (au bas de la photo). Photo : Marc-André Bernier, Parcs Canada
3- Un plongeur reproduit sur plan la localisation d’une marmite trouvée à proximité de l’épave. Cette marmite était utilisée pour faire cuire les repas
des miliciens à bord du bateau. Une centaine d’os- sements ont été prélevés lors de l’intervention de 1996. Photo : Marc-André Bernier, Parcs Canada
4- Section de la zone partiellement dégagée visible lors de la découverte en décembre 1994. À noter : la présence de cinq fusils et du chaudron. Photo : Marc-André Bernier, Parcs Canada
5- Fourchette composée de ls métalliques tressés. Photo : R. James Ringer, Parcs Canada
6- Hache trouvée en surface.
Photo : Marc-André Bernier, Parcs Canada
7- Plongeur s’approchant de l’emplacement où des souliers et une hache de ceinture ont été trouvés coincés entre les membrures du navire, dans ce qui constitue sans doute le « casier » d’un des miliciens à bord du navire. Photo : Peter Waddell, Parcs Canada
8- Le manche de cette écuelle porte un écus- son anqué de deux dauphins. Sur l’écusson, on distingue clairement la lettre « M » et, en dessous, les lettres « I » et « S », placées côte
à côte. Cette disposition en pyramide était courante pour marquer les initiales d’un homme et de son épouse. Le « M » est la pre- mière lettre du nom du mari, les initiales de celui-ci sont « IM » et celles de son épouse, « SM ». Cette écuelle, qui appartenait à Increase Mosley, époux de Sarah, a été un des éléments clés de l’identi cation de l’épave. Photo : Michel Élie, Centre de conservation du Québec
9- Une chaussure a été laissée en pièces détachées après le traitement de stabilisa- tion, en vue de son examen détaillé. L’autre, rassemblée après restauration, est prête à être exposée. Photo : Michel Élie, Centre de conser- vation du Québec
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