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SE MESURER À SOI-MÊME
Morrisburg, Ontario, début de l’automne 2012. L’eau est encore chaude. Il faut en pro ter, car elle perd sa chaleur tellement plus vite qu’elle ne la gagne, au prin- temps! Le plongeur se laisse dériver le long du mur sud de l’écluse engloutie. Le Lock 23 est un site connu et très visité. Et pour cause : il est sans aucun doute un des plus beaux, des plus complexes et des plus grands. Mais
QChristian Rémillard cherche autre chose, aujourd’hui.
Christian Rémillard
uelqu’un prétend qu’il y aurait La plongée l’aide énormément. Tous ceux qui l’ont l’épave d’une automobile visité s’accordent pour le dire: le monde sous-marin quelque part dans les environs est apaisant, réparateur. Et voilà qu’avec cette de la bouée jaune, à l’extrémité plongée au Lock 23, Christian découvre un plaisir du mur d’approche, le point le inattendu à effectuer une tâche précise sous l’eau. plus éloigné du site. Christian Et non simplement plonger pour plonger.
doute un peu de l’information, mais veut en avoir
le cœur net. Il a le fort sentiment, sans trop pouvoir l’expliquer,
Texte et photos : Jean-Louis Courteau
Modélisation 3D : Christian Rémillard
Portrait de plongeur
Il sait qu’avec une visibilité réduite et ce fort cou- rant, il ne sert à rien de chercher au hasard. Il doit procéder de façon systématique. Arrivé sur place, il plante au sol un piquet de tente et établit le point comme base de départ. Puis, il déroule le l d’un moulinet pour délimiter une grande surface carrée qu’il inspectera méthodiquement. Ensuite, il établit une autre super cie de recherche, et ainsi de suite. Il devient vite évident qu’il n’y a pas d’épave à cet endroit. Et la façon minutieuse d’effectuer sa recherche ne laisse aucun doute. S’il eût été inté- ressant de découvrir le véhicule fantôme, Christian n’est pas déçu en palmant vers le point de sortie. Il a trouvé bien mieux...
Genèse d’une idée folle
Les dernières années ont été dif ciles. Christian Rémillard expérimente, comme 25 % de la popu- lation, des symptômes d’anxiété intense. Il doit apprendre à combattre une bête qui se cache là où elle est le plus dif cile à atteindre : en lui-même.
que la réalisation d’un travail méthodique en plon- gée peut lui apporter beaucoup.
Debout sur la rive, il contemple le fleuve, là où dort dans l’ombre l’écluse oubliée. Doucement, un sourire illumine son visage. Il va la dessiner. Mieux : il va en faire une modélisation 3D précise! Il va cartographier le Lock 23 en trois dimensions!
Au travail
Christian Rémillard est webmestre à la Direction des bibliothèques de l’Université de Montréal. S’il est très familier avec l’ordinateur, il n’a à ce moment aucune expérience avec les logiciels spé- cialisés de dessin technique. L’aventure sera donc un apprentissage sur tous les plans.
Il s’y met sans trop attendre. La première plongée pour le projet de modélisation a lieu le 8 décembre 2012. D’abord : réunir le matériel de terrain. Un ruban à mesurer de 30 m, une boussole, un pro- fondimètre (par son ordinateur), deux moulinets,
En Profondeur – Vol. 16, no 3 35
Christian Rémillard