Page 113 - Rebelle-Santé n° 201
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pathologies
MalaDie oU MÉDeCiNe tRaDitioNNelle ?
Le pica n’est pas toujours d’ori- gine psychiatrique, car la notion de « comestibilité » des aliments est culturelle. Ce qui est consi- déré comme comestible dans une culture ne l’est pas nécessairement dans une autre. Ainsi, la géopha- gie peut être coutumière et cer- taines peuplades d’Afrique la pra- tiquent encore (femmes enceintes, enfants). Ailleurs, le pica peut être considéré comme une médecine traditionnelle, avec la consomma- tion d’argile, par exemple, dans le but de traiter son appareil digestif.
les eNFaNts sURtoUt...
Les enfants sont les plus concernés par le pica, et plutôt les garçons issus de milieux urbains, surtout lorsque les parents le pratiquent également. Pour autant, on estime qu’un enfant sur deux a déjà ab- sorbé une substance non alimen- taire, comme la terre, la craie, le plâtre, les grains de polystyrène ou encore le savon. Reste la co- prophagie, possible chez les tout- petits dans le cadre de jeux avec barbouillage. Chez la plupart des enfants, en effet, ce pica précoce relève de la découverte du monde, l’enfant portant presque tout à la bouche (stade oral). Dans certains cas, toutefois, le pica va devenir un symptôme d’une pathologie psychiatrique (psychose) ou la manifestation d’un retard mental ou d’une carence affective grave. Mieux vaut donc consulter son médecin si cette pratique persiste après l’âge de 2 ou 3 ans malgré les tentatives parentales pour la faire cesser. Enfin, bon à savoir, un pica chez l’enfant peut précé- der l’entrée dans une boulimie à l’adolescence.
... Mais pas seUleMeNt
Sans surprise, l’arriération mentale constitue un autre risque de pica. Il en est de même de nombreuses
pathologies psychiatriques ou des handicaps mentaux qui exposent à cette pratique. Mieux vaut ne pas laisser traîner des objets convoités par un proche souffrant d’un pica ! Enfin, une carence en fer ou en zinc peut être le déclencheur d’un pica. En effet, en réponse à la ca- rence, l’individu peut être amené à manger de la terre ou toute autre substance dans une tentative – illu- soire et désespérée – d’améliorer son état nutritionnel. Un véritable cercle vicieux va s’enclencher.
UN RisQUe D’aNÉMie
En dehors de la dangerosité liée à la nature de la substance concer- née (plomb, produit toxique...) ou à son comportement dans le tube digestif (blessures des muqueuses avec perforation, occlusion, abra- sion dentaire), le risque majeur du pica est l’anémie dite « ferriprive » autrement dit par manque de fer, avec toutes ses conséquences (re- tard de croissance). Car certaines substances comme l’amidon ou l’argile vont « capter » le fer ali- mentaire dans l’estomac, l’empê- chant ainsi d’être absorbé.
gaRe aU satURNisMe CheZ l’eNFaNt !
Une carence en fer, qu’elle soit liée à une géophagie (argile, terre...) ou à une simple carence d’apport en fer liée à une alimentation désé- quilibrée, entraîne mécaniquement
une augmentation de l’absorption du plomb par l’intestin, entraînant un risque de saturnisme, c’est-à- dire d’intoxication par le plomb. Gare à l’aggravation du saturnisme par un effet de cercle vicieux si l’enfant souffre également d’une plumbophagie, autrement dit d’un pica au plomb. Rappelons que ce pica concerne les enfants qui lèchent les peintures ou avalent les écailles de peintures à base de cé- ruse (conduites d’adduction d’eau, vieux jouets...), au goût sucré. Géophagie et plumbophagie font mauvais ménage.
Dr Daniel Gloaguen
ESTOMAC BÉTON
Mais comment fait l’estomac pour résister aux vis, morceaux de verre, lames de rasoir et autres objets tranchants ? Tout simplement parce que l’estomac, qui reconnaît l’élément étranger, va tenter de l’enrober dans une gangue constituée de fibres, d’où l’intérêt de manger des légumes verts et des fruits. L’acide gastrique permet également d’abraser les objets, les rendant moins tranchants.
LES MOTS POUR LE DIRE
uObjets pointus : acuphagie uVomi : émétophagie uNeige, grêlons : pagophagie uAmidon : amylophagie uPierres et cailloux : lithophagie
uCheveux et poils : trichophagie uVégétaux non comestibles : foliophagie uBois : xylophagie
uCendres de cigarettes et têtes calcinées d’allumette : cautopyreiophagie uPoussières à caractère religieux (églises, lieux saints...), reliques : coniophagie.
Rebelle-Santé N° 201 65