Page 14 - Afrique Foncier juillet 2020
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Bénin

            l’avènement de la loi n°2013-01 du 14 août 2013   À Kpomassè,  commune  située  à  une  heure  de
            portant  Code  Foncier  et  Domanial  modifiée  et   route de Cotonou, Franck MEVO Secrétaire Général
            complétée par la loi 2017-15 du 10 août 2017.    à l’hôtel de ville a été témoin des difficultés que les
                                                             femmes ont traversées. « Les femmes contraintes
            L’ambiguïté est levée, mais la peur              à exploiter des terres parfois empruntées appelées
            subsiste                                         « Gbadaglé » se voyaient  du jour au lendemain
            « En 2015, nous avons reçu la plainte d’une dame   dépossédées.  Cette pratique était très courante
            au tribunal de conciliation parce que ses cousins   et difficile à vivre pour elles. Il était même rare de
            voulaient lui arracher une terre que son père lui   voir une  femme  propriétaire  de  terre  avec  une
            aurait laissée de son vivant. Nous avons convoqué   convention de vente» , raconte t-il. Dans le cadre
            les deux parties pour un règlement à l’amiable. Peu   de la mise en œuvre d’un des projets du Centre
            de temps après cette rencontre alors que l’affaire   Afrika  Obota dans  certaines  communes  des
            était encore pendante,  la dame est décédée des   départements  du  Zou  et  de  l’Atlantique,  Justin
            suites d’une courte maladie », raconte Christophe   SEMASSOUSSI,  Secrétaire  national  du CAO dit
            Avohou  le  regard  chargé  d’émotion.  Après  ce   avoir faire le même constat.  « Il arrivait que des
            drame,  l’homme  dit  comprendre  le  silence  des   femmes qu’on accompagnait négocient des terres
            femmes  victimes  de  discrimination  dans  sa   pour exploitation.  Elles  défrichent et mettent  en
            commune. « Cette affaire a fait le tour de zè et a   valeur ces terres une année et la deuxième année,
            installé une peur chez les femmes à venir se confier   les  propriétaires  contre  toute  attente  reviennent
            à  nous.  Seules,  quelques  femmes  téméraires   reprendre leur terre. Cette situation ne permettait
            osaient le faire. Sinon le reste se range par peur de   pas du tout  aux  femmes  de pratiquer une
            se voir jeter un sort », indique le président. Dans les   agriculture pérenne », fait-il constater.
            trois départements  couverts par l’étude de base
            en  prélude  au  projet EWOH 2,  Alitonou  Bankolé   Pour  l’expert  foncier  Innocent  Antoine  HOUEDJI,
            Solonge, juriste et membre de l’équipe consultante,   l’insécurité  foncière  dans  laquelle  végétaient  les
            a affirmé que les déclarations des femmes faisaient   femmes  était  due  à  une  méconnaissance  des
                                                             dispositions. « Quand le législateur qui a voté une
            déjà montre de leur résignation. Selon une de ces   loi et qui est  censé  retourner à la base pour la
            déclarations rapportées par l’étude, « la terre tue,   vulgarisation ne la fait pas il ne peut qu’induire ceux
            si on veut la paix il faut s’en éloigner ». « En tant   qu’il représente  en erreur », accuse-t-il.  Antoine
            que chef d’Arrondissement, les femmes n’osaient   HOUEDJI  rappelle  aussi  que  les  femmes  ont  été
            même pas m’approcher pour se confier.  C’est sur le   victimes  des  transactions  par  la  confiance.  Selon
            terrain que nous constatons qu’elles se plaignent.   lui « les femmes  n’exigeaient aucune  convention
            Quand  certaines  ont  le  courage  de  parler,  c’est   de vente et ne faisaient  constater  le contrat de
            pour se peindre et non pour revendiquer », déplore   bail à aucune  autorité  publique. C’est toutes  ces
            Françoise ASSOGBA.                               insuffisances que la loi 2013-01 du 14 août 2013
                                                             portant code foncier et domanial, revisitée en 2017
            Les revers de l’emprunt, l’achat et la           est venue corriger ».
            location des terres par les femmes
            Ne pouvant hériter de la terre, les femmes n’ont   EWOH2 redonne espoir aux femmes
            pas baissé les bras. Motivées  par l’envie de    À l’issue de « l’étude de base sur la situation des
            produire, elles ont tenté d’y accéder par d’autres   droits d’accès des femmes à la terre et à la propriété
            modes  d’accès.  Selon  « l’étude  de base  sur  la   foncière au Bénin » menée par SYDEL Afrique en
            situation des droits d’accès des femmes à la terre   2016  dans  les  départements  de l’Atlantique,  du
            et  à  la  propriété  foncière  au  Bénin  », 47%  de   Littoral et du Zou ; les réelles entraves à l’accès des
            femmes ont accès à la terre par l’emprunt contre   femmes ont été mises à nue. Consciente que les
            0% d’homme, 34%  de femmes  louent  la terre     solutions durables aux questions de la faim, de la
            contre  4%  d’homme.  Quant  à  l’achat,  seulement   malnutrition, de la pauvreté sont possibles grâce à
            15%  de  femmes  ont  les  moyens  financiers  pour   l’accès des femmes à la terre, la fondation Konrad-
            s’offrir une terre contre 65% d’homme. Cependant,   Adenauer-Stiftung  avec  l’appui du ministère
            avec l’emprunt, l’achat et la location ; les déboires   Fédéral Allemand de la coopération Economique
            de la femme sont loin d’être du passé. A cet effet,   et  du  développement  (BMZ)  à  décider a  décidé
            Françoise AGBAHOLOU, coordinatrice de WILDAF-    d’engager le dialogue politique avec les acteurs à
            Bénin a affirmé que « ces modes d’accès à la terre   divers niveaux à travers le projet : « un seul monde
            comportaient des restrictions comme l’interdiction   sans  faim2  :  les  droits d’accès  des  femmes  en
            de planter des arbres, d’installer des tierces. Ces   Afrique de l’Ouest ».
            restrictions ne permettaient  pas aux femmes     Selon  Mohamed     Mounirou    TCHACONDOH,
            d’investir dans le sol afin de profiter de la fertilité. »     coordonnateur  national  de  la  KAS,  ce  projet

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