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Zoom
« Ce dont le monde arabe a le
plus besoin, c’est de la liberté
d’expression »
Lundi 29 octobre, Amnesty International publiait une vidéo en mé-
moire du journaliste Jamal Khashoggi. Dans cette vidéo, des journa-
listes lisent la dernière tribune écrite par Jamal Khashoggi, un rédac-
teur saoudien souvent fortement opposé à Mohamed Bin Salman. En
effet, le journaliste qui a été porté disparu pendant quelques jours, a
finalement été reconnu assassiné, au consulat saoudien de Turquie.
Qu’est-il arrivé à Jamal Khashoggi ?
Qui a pu l’assassiner et pourquoi ? Lorsque le journaliste retourne en Est-il sorti vivant du
Turquie le 2 octobre 2018 afin d’obtenir des documents nécessaires à son
deuxième mariage, celui-ci ne revient plus et disparaît. S’en suit alors une consulat ou non ?
série de théories pour savoir ce qu’il est advenu de lui. Or une chose est
sûre : il n’est pas vivant. Tandis que les saoudiens affirment que M. Khashoggi a bien quitté le consulat, la police turque
déclare qu’il aurait été torturé et assassiné par les forces spéciales saoudiennes. Si la France ne s’en est pas mêlé (la
vente des armes à l’Arabie Saoudite pose en effet un problème de conflit d’intérêt…), les Etats-Unis envoient leur se-
crétaire d’Etat Mike Pompeo à Ryad pour, « tirer les choses au clair », sans pour autant réagir véritablement. Peu de
temps après, une perquisition est menée sur le lieu de sa disparition. Les détails de l’enquête en sont effrayants : «
Nous savons quand Jamal a été tué, dans quelle pièce il a été tué et où le corps a été emmené pour être démembré »,
affirme une source turque en lien avec l’enquête au Middle East Eye, qui couvre l’actualité du Proche-Orient. Cédant
aux pressions internationales, Ryad reconnaît quelques temps après la mort du journaliste, mais nie en avoir ordon-
né l’assassinat. Il reste cependant plusieurs zones d’ombre. Si l’on devine que
Fervent opposant l’Arabie saoudite est responsable, on se demande donc: pourquoi ?
au régime du roi
Khashoggi était un fer- Salman Mais ce qui est choquant dans cette « Il fut un temps où les jour-
Il faut savoir que Jamal
affaire, ce sont aussi les différentes
nalistes pensaient qu’Inter-
vent opposant au régime du roi Salman réactions. Emmanuel Macron, parle net libérerait l’information de
et au prince Mohammed bin Salman de « faits très graves », mais n’évoque la censure et du contrôle liés
(MBS), et a d’ailleurs fortement criti- pas de sanctions. Le président des Etats- à la presse écrite. […] nous
qué l’intervention de l’Arabie Saou- Unis, Donald Trump, se dit « très déçu », devons fournir une tribune
dite au Yémen et la guerre sans merci mais n’envisage pas l’arrêt des livraisons pour que des voix arabes
qui s’y déroule. Son meurtre a par ail- d’armes à l’Arabie saoudite. Comment puissent s’exprimer» écrit Ja-
leurs jeté une lumière crue sur la per- ne pas se révolter face aux inactions des mal Khashoggi dans sa der-
sonnalité du prince héritier saoudien, chefs de gouvernement qui font trop nière tribune. Sa mort doit
un temps « vendu » comme un grand souvent passer des intérêts économiques nous rappeler à quel point
modernisateur. Or c’est lui qui a lancé au-dessus des droits humains et de la la profession de journaliste
la guerre au Yémen il y a trois ans ; et justice ? est empreinte de risques et
c’est vers lui que remontent tous les se bat pour défendre des
fils du meurtre de Khashoggi, malgré Cependant, de nombreux organismes idéaux parfois controversés.
les démentis officiels. De plus, en 2017, et entreprises se sont exprimé.e.s pour Jamal Khashoggi a payé le
Jamal Khashoggi s’était exilé au Etats- montrer leur indignation face à cet assas- prix de ce risque. Et pour
Unis d’où il participait aux pages d’opi- sinat. C’est le cas d’Amnesty International cela, sa mémoire mérite
nions du Washington Post et traitait des mais aussi de Karen Attiah, l’éditrice des d’être honorée.
thèmes qui lui étaient chers : critique du tribunes internationales pour le Was-
régime, liberté de la presse et géopo- hington Post, et donc de Jamal Khashog-
litique. Son influence au sein des mé- gi, qui raconte avoir reçu le dernier article
dias américains ne plaisaient alors pas à du journaliste au lendemain de sa dispa- juliana bitton
Ryad, qui souhaitent encore aujourd’hui rition et le publie. « Nous avons pensé
construire une image positive de MBS que le rendre public après sa mort rap-
dans le monde entier et en particu- pellerait au monde son engagement et
lier aux Etats-Unis pour augmenter les sa passion pour la liberté dans le monde
échanges entre les deux pays. arabe et aussi pour un monde meilleur».