Page 70 - Correspondance coloniale
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Vous faites bien partis des signataires.


            Quelle hypocrisie.




            Je suis d’ici et je viens d’ailleurs et pourtant je regarde de chez
            vous.


            Je porte votre nom, je prie un dieu qui vous ressemble alors

            même qu’il est né chez moi. Je crois en ses miracles, mais j’ai
            peur de la sorcellerie. Je ne sais d’ailleurs plus ce que c’est, vous

            m’avez appris qu’elle était à craindre ou à mépriser.


            Mais alors qui suis-je ?

            J’ai  oublié  ce  que  j’avais  et  je  réalise  que  ce  que  je  pensais

            partager avec vous n’existe pas.

            L’on m’a rapporté que nous n’avons pas été vos seules victimes.

            Que votre famille se serait constituée sur ces mêmes principes
            de conquête, d’appropriation et d’uniformisation. Que vous avez

            avalé tel un ogre des peuples isolés, les faisant vôtre et refusant

            de leur accorder reconnaissance.

            L’on m’a rapporté que vos enfants dans votre foyer, partagent ce

            même sentiment de déracinement sans avoir même quitter leur
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