Page 74 - Correspondance coloniale
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Moi j’étais dehors, loin, dans les plantations, sans droit de vie.

            Je confiais donc tous mes espoirs à ces nègres de maison.
            Certainement  qu’avec  leur  instruction,  leurs  accès,  leurs

            avantages, ils sauraient au détour d'une conversation, sans trop

            monopoliser  l'attention  d'un  système  qui  doit  continuer  à
            fonctionner,  peut-être  qu'ils  auraient  fait  connaître  l'existence

            d'une humanité existante quelque part de l'autre côté de l’océan.


            Les  choses  stagnaient,  voire  se  détérioraient  sous  mes  yeux
            d'experts en culpabilité d'autrui.

            C'était aux autres de décider, même s’il s’agissait de mon cadre

            de vie, même s'il s'agissait de l'avenir de mes enfants. Il fallait
            laisser les élus faire leur travail et attendre dans les clous en

            critiquant.
            Mais l'esclave a t'il la notion de l'urgence vitale ? Cette urgence

            qui fait que peu importe les moyens il faut trouver l'oxygène. A
            t'il suffisamment la sensation de vivre pour avoir peur de mourir.


            A t'il conscience de sa propre vie pour la faire passer avant celle

            d'un système, avant celle de son maître ?
            Un élu fait allégeance à la république et le citoyen n'est que le

            produit de cette république.


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