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millions ; voilà donc ce qui empêche l’hu- pas tout prendre pour argent comptant.
manité de se révolter, de crier qu’elle vaut Malheureusement, les « commerçants » ont
EDITORIAL mieux qu’un shampooing ou qu’une motte compris depuis longtemps comment on
de beurre. pouvait quand même les hameçonner. On
Du coup, la façon de penser de la société leur vend autant de vent qu’à nous et la
Pour étouffer par avance toute révolte, disait Al- n’est plus celle des intellectuels, mais celle société dépense beaucoup d’énergie pour
dous Huxley en 1932 dans son terrible ro- des maisons de productions et des multina- les amener à faire comme tout le monde,
man « Le meilleur des Mondes », il ne faut tionales qui nous vendent du vent. Tout ce métro, boulot et dodo.
pas s'y prendre de manière violente. Il suffit de créer qui ne rentre pas dans le moule de la petite N’empêche qu’il n’y a que la jeunesse qui
un conditionnement collectif si puissant que l'idée de pensée étriquée est montré du doigt comme peut changer la donne, qui peut changer le
révolte ne viendra même plus à l'esprit des hommes. autant de subversions qu’il faut combattre. monde. Pour cela, il faut lui donner la pa-
(…) Un individu inculte n'a qu'un horizon de Notre voisin chômeur est un parasite, le role. Pour cela, il faut montrer ses mala-
pensée limité, et plus sa pensée est bornée à des bourgmestre est un fainéant qui ferait dresses, ses envies, ses peines et ses joies. Il
préoccupations médiocres, moins il peut se révolter. mieux d’aller ramasser lui-même les pou- faut que l’humanité voie ce qu’elle a de gâ-
il faut faire en sorte (…) que l'information destinée belles, les migrants sont tous des terroristes, ché ou ce qu’elle a de meilleur. Il faut
au grand public soit anesthésiée de tout contenu à la crise est réelle, les professeurs ont trop qu’enfin, on entende un autre son de cloche
caractère subversif. Surtout pas de philosophie. de congés, les jeunes n’ont plus de respect et qui ne soit pas simplement fait de con-
(…) on diffusera massivement, via la télévision, des pour rien, etc. On nous dicte ce qu’il faut sommation, mais d’humanité, de spirituali-
informations et des divertissements flattant toujours penser, du matin au soir, des émissions té, de politique vraie, d’échange, de solidari-
l'émotionnel ou l'instinctif. On occupera les esprits genre « C’est mon Choix » jusqu’au Journal té et de sens critique.
avec ce qui est futile et ludique. (…) Comme tran- Télévisé. Et les réseaux sociaux ne sont pas
quillisant social, il n'y a rien de mieux. en reste. Entre les panneaux ridicules qui C’est pourquoi ce périodique voit le jour. Il
Près d’un siècle plus tard, nous sommes flattent ceux qui se voient comme ils ne est le fruit d’une énième grande réflexion au
arrivés de plain-pied dans cet enfer-là : la sont pas et les petites sentences assassines sein de la MJ EPIDEMIK et dont je viens
plupart des gens travaillent ou sont au chô- qui montrent l’étendue de la bêtise de cer- de vous expliquer la teneur. Faites bon ac-
mage, mais tous occupent leur temps libre à tains, il n’y a pour ainsi dire plus de place à cueil à E-Mediatik, lisez-le et relisez-le. Il
s’abrutir sur des écrans qui leur donnent la réflexion et à l’opinion argumentée. Ce est censé vous apporter la parole de la jeu-
pourtant l’impression de vivre alors qu’ils qu’il faut, ce sont des phrases qui font dix nesse, ses préoccupations et sa fantaisie
ne leur offrent qu’une seule façon de pen- mots maximum et qui font dire à tous « ah aussi.
ser. La publicité s’est emparée de la philo- oui, ça c’est bien vrai ça ! »
sophie, la rendant la plus simple, la plus N’hésitez pas non plus à réagir, soit en dé-
battant des sujets traités, soit en proposant
simpliste possible. Pampers = j’aime mon Dans ce monde, il est heureusement une votre concours au deuxième numéro.
enfant ; Becel = Je suis épicurien ; Spinner race d’êtres humains qui résiste encore et
= je vis dans mon époque. Plus rien ne toujours à l’envahisseur. Cette race, c’est
semble compliqué, profond, intense, sauf celle des jeunes. Epidemikement vôtre.
peut-être le café Carte d’Or et la glace au Certes, tous les jeunes ne montent pas sur
beurre salé. D’ailleurs, toutes les pensées des barricades, loin de là. La plupart sont au
qui font plus de dix secondes sont automa-
tiquement coupées par les présentateurs de contraire bien contents, eux aussi, de con-
sommer comme les grands, jusqu’à s’abru-
talk-shows au nom du sacro-saint rythme tir. Mais la jeunesse est, par essence, l’âge
des émissions. Et le pire, c’est qu’on en
redemande. Sans tous ces écrans, on se sent de la révolte, de la révolution. On com-
mence par s’opposer à maman, papa, puis
nus, déconnectés du monde, obligés de
réfléchir à des choses qui nous font peur. aux profs, puis enfin à l’ordre établi, qu’il
soit celui de la rue ou de la pensée unique.
La mort et notre condition de petit terrien
sans horizon nous sautent aux yeux sans Les jeunes découvrent le monde ; ils l’ana-
tout ça qui nous occupe… Les publicités, lysent donc d’abord et se demandent s’il est
les séries et les émissions où il suffit de fait pour eux. Leur pensée n’est pas tou-
trouver le prénom du pape pour gagner des jours structurée, mais ils ont le mérite de ne