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 FR Nouveauté et simplicité sont vos deux axes de travail. La cohabi- tation des deux mots peut être une évidence ou une antinomie. Or ce mariage des deux est la clef de votre travail. Comment arri- vez-vous à le maintenir de manière constante ?
Ce n'est pas facile, je l'avoue. À 33 ans, je n'essaye plus de trouver une nouveauté, je recherche plutôt une structure pour l'approfondir et la prolonger. Je préfère me concentrer sur le goût et la construction de mes desserts que sur leur seule beauté. La question aujourd'hui est de savoir comment durer dans le temps et affirmer son style. Mon style, je l’ai créé. Donc maintenant, je veux prendre mon temps pour approfondir les goûts que j'ai commencé à pousser il y a six ans, lorsque je suis devenu chef pâtissier. Je ne veux plus mettre de décor inutile
mais aller uniquement à l'essentiel, sans oublier que mon dessert doit être épatant et créer un souvenir. La clef de la réussite selon moi, c'est lorsque notre client comprend et aime ce qu’il goûte, que cette expérience crée chez lui un souvenir. Il revient parce que c'est bon, pas parce que c'est beau.
Mettre en avant la qualité et la primauté de la matière première est une tendance forte dans la gastronomie salée, mais pas en pâtisserie. Avec un peu de recul, avez-vous le sentiment d'avoir pris un risque en faisant évoluer la pâtisserie ?
Sans vouloir paraître prétentieux, de nombreux grands pâtissiers du monde refont les tartes, simples, que je fais: pas de nappage, de sucre glace, de décor. Ce que la nature me donne, j'essaye de le respecter.
La simplicité qui caractérise déjà mes tartes, je souhaite l'intégrer de plus en plus à mes fruits. Par exemple, dans ma nouvelle noisette, il n'y a plus de poudre d'or à l'intérieur. Je suis parti sur du 100% noisette, dans l'idée de tendre vers le plus pur possible. Plus tôt dans ma carrière, lorsque j'étais chez Fauchon, mon rôle était d'es- sayer toutes les matières premières. J'ai fait cela pendant quatre ans. Par exemple, après avoir reçu tous les fournisseurs de crème, j'en mettais trois différentes dans des batteurs et je contrôlais la façon dont chacune foisonnait, combien de temps elle tenait au congélateur, au frigo... On peut dire que j'étais un véritable chimiste dans son laboratoire et je le suis resté au Meurice. Je n'arrêterai jamais de créer et d'être en quête du meilleur.
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