Page 71 - Revue 3 A_Neat
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L’apparition du phénomène reLigieux
faire les premiers dieux, puis il s’aventura, grâce à cette nou-
velle assurance, dans la maîtrise des milieux naturels : flore,
faune, bientôt astres et saisons eux-mêmes seront mis au
service de la survie humaine selon une action toujours plus
conquérante, poussée par un besoin démiurgique de concur-
rencer les dieux. Comme toute invention, à ses débuts, l’avia-
tion n’avait d’autre objectif que la réalisation d’un rêve. La
mythologie néolithique sera donc anthropomorphe et le reste
des forces naturelles précédentes en fourniront les « attributs »
jusqu’aux ères classiques, d’où toute pensée moderne surgit.
Bien considérée, la véritable « histoire » des religions se
fonde sur des centaines de millénaires, en transformation per-
pétuelle, rythmée mais logique et cohérente. Les strates ainsi
accumulées ne s’excluent d’ailleurs pas complètement, car
les fonctions religieuses sont parmi les plus stables, en reflet
à l’universelle stabilité des « vérités » qu’elles véhiculent. Le
dieu celte Cernunnos porte des ramures de cerfs, comme les
sépultures moustériennes en contiennent déjà cent mille ans
plus tôt ; Héraclès s’enveloppe de la dépouille féline comme les
lions représentés à la grotte Chauvet, il y a trente-six mille ans ;
Diane chasse à l’arc depuis le Mésolithique au VII millénaire,
e
et la Bible récupère l’image bovine « Le Veau d’or » contre la
Loi écrite, et recommande le « cannibalisme » ritualisé par la
consommation du pain et du vin, substances charnelles de 70
l’homme-dieu. Les deux mécanismes opposés et complémen-
taires évoqués plus haut fonctionnent toujours comme le
moteur de cette constante transformation : le défi (sentiment
du sacré) suivi de la loi dogmatique (règles religieuses). Il se
fait que, en toute humanité, cette « maladie de l’esprit » impose
la quête perpétuelle des causes à un univers dont la mécanique
ne cesse de lui échapper, car la pensée elle-même en fait partie !
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