Page 21 - Lux in Nocte 6
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d’espoir et d’éternité semble terminé. Demain n’existe plus. Demain n’a plus de
                sens. Mes deux mains sont vides, elles n’ont plus de rêves.

                Ce que je croyais ma famille s’est désagrégé aux quatre coins du monde. Elle a
                suivi soit un gouffre sans nom, soit un itinéraire miroitant, fait d’ailleurs. Elle
                n’est  plus,  les  liens  sont  lâchés.  Privée  de  racines,  la  falaise  brûlée  qui  s’est
                écroulée  a  recouvert  les  vestiges  d’une  enfance  muette.  La  mémoire  demeure
                obscure.

                Parties  aussi,  parties  mes  amantes  que  l’oubli  n’a  pas  effacé.  Un  souvenir  au
                détour d’une pensée ravive une émotion qui ne pleure plus. L’image est passée et
                le  noir  reprend  ses  droits.  L’image  est  tellement  secrète  que  la  peindre  serait
                illusoire.  On  ne  peut  comprendre.  On  ne  peut  concrétiser  les  stations  qui
                jonchent mon parcours. C’est privé, si privé que jamais parole ne s’est formée
                sur  mes  lèvres.  Et  pourtant  l’instant  est  un  souvenir  encore  si  poignant  tant
                d’années  plus  tard.  Dans  le  silence  du  voyage,  les  sentiments  les  plus  divers
                s’agitent  et  se  brisent  sur  la  béance  abrupte  de  ma  nuit.  Les  visages  défilent
                comme  une  volée  de  feuilles  mortes  et  ce  trombinoscope  éthéré  que  je  ne
                parviens pas à maîtriser fuit au creux des ténèbres. Le flambeau se délite dans le
                passage des lustres.

                Le  passé,  le  présent,  se  confondent  dans  la  suie  de  ma  solitude.  Le  vide  est
                immense.  Il  m’enveloppe  de  son  opacité  pénétrante  et  je  suis  pétrifié  dans
                l’impassible douleur de la vie. Je n’ai rien fait, les résolutions sont bloquées dans
                les profondeurs de ma fantasmagorie. L’attente est longue, le temps est pesant.
                Le soir tombe sans déranger l’ordre du monde. Je comprends ce crépuscule qui
                souffle  sur  ma  vie.  J’attends  la  nuit  au  lancinant  murmure.  J’attends  depuis
                toujours. J’attends que la vie passe, carcasse égarée dans un désert.












                Je suis dans le noir intense des ombres. Noir encore et toujours. Noir, couleur
                qui n’est pas.


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