Page 22 - Lux in Nocte 6
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PRIERES AMAZONIENNES

                                                                                                     JOSE CARLOS RODRIGUEZ NAJAR

                                                                                                     Je suis né coupable et cela a nourri la tentation de vivre
                                                                                                                         à la poursuite d’un improbable bonheur ;  les abîmes du
                                                                                                                         vertige ont annulé tout vestige de cet enchantement ; mon
                                                                                                                         esprit pusillanime m’a fait boire Vallejo goutte à goutte,
                                                                                                                         jour après jour, sur les quais de la Seine. Je mange
                                                                                                                         l’incertitude d’être homme, os par os, à la table misérable de
                                                                                                                         Paris.

                                                                                                                          La poésie s’est attachée à mon âme et a tatoué son stigmate ;
                                                                                                                         je n’écris pas pour être flatté par la critique ou les bonnes
                                                                                                                         consciences et non plus pour succomber à l’excitation du
                                                                                                                         pu pouvoir à travers l’écriture.

                                                                                                                          L’homme est une création qui ne peut se substituer à Dieu
                                                                                                                          et je ne partage pas la pensée de Nietzsche qui proclame sa
                                                                                                                          mort, pas plus que celle de son inconditionnel César Vallejo
                                                                                                                          qui le condamne à un triste compagnonnage.

                                                                                                                          « Prières Amazoniennes » est née dans cette
                                                                                                                          broussaille : « Je suis ton œuvre, je suis ton vrai moi, je suis
                                                                                                                          ta propre âme sculptée toi-même » comme cela est dit dans
                                                                                                                          le Zend-Avesta, ce fut ainsi, c’est ainsi, ce sera ainsi, la prière
                                                                                                                          comme un requiem infini, morbide, fossoyeur. Je trouve
                                                                                                                          mon cri dans ce Babel et je sculpte en vingt cris les arbres
                                                                                                                          luxuriants de l’Amazonie, sur chaque feuille et chaque front
                                                                                                                          des ces enfants évidents.

                                                                                                                           Avec mes vers j’ai voulu exorciser le RENACO, arbre malin
                                                                                                                           Des fleuves amazoniens, où dorment les pouvoirs secrets de
                                                                                                                           la forêt.




               José Carlos Rodriguez Najar est né au Pérou où il suit des études de Langue et continue à l’Ecole
               des Hautes Etudes en Sciences Sociales à Paris. Il contribue activement à la création du Mouvement
               Hora Zero International avec des poètes français, grecs, belges, marocains, mexicains… Suite à ses
               nombreuses créations et à son activité littéraire en 2014 il reçoit la médaille du Senat français,
               donnée aux personnalités de l’Amérique latine et des Caraïbes. Toujours à Paris, il publie des
               romans, de la poésie et même une anthologie de poésie de sa génération, le tout en éditions
               bilingues.Il y a dans son œuvre un lent processus de dénouement de l’habillage du cosmopolitisme,
               des masques de l’Histoire et des bêtes domestiques de la politique pour céder la prééminence à la
               lumière de ses obstinations. L’Amazonie, ses symboles majeurs – les espaces sacrés et ses êtres
               mythologiques –sont plus que des raisons d’existence utiles pour pénétrer dans ses secretsplus
               intimes.Sa parole a ôté tous ses voiles. La parole toute nue nous parle seulement de l’essentiel, de
               l’essence de ses propres mortifications. Voilà José Carlos, « El Charapa », nu. Et ainsi, dans sa totale
               nudité, il a obtenu que sa voix acquière des connotations sacrées.


                                                       Textes extraits du recueil


                                    " Prières amazoniennes » aux éditions L’Harmattan"






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