Page 17 - MOBILITES MAGAZINE n°37
P. 17

                 CRISE SANITAIRE/ANALYSE t
             les salariés en chômage partiel et elle pourrait se contracter sous l’effet de la récession attendue. La note sera lourde pour les aOM. De quoi faire renoncer aux projets de gratuité des candidats aux mu- nicipales ?
Quelles leçons pour « le monde d’après » ?
Depuis le début de la crise, les spéculations vont bon train sur les leçons que nous devrions tirer de cet épisode douloureux et si par- ticulier. Sans pouvoir ni même vouloir prétendre à l’exhaustivité, lançons ici trois pistes de réflexion. La première porte sur notre capa- cité collective à poursuivre nombre d’activités sans avoir à nous dé- placer. Les solutions techniques pour travailler et collaborer à dis- tance existent et sont désormais éprouvées : les réseaux et les ap- plications ont démontré leur apti- tude à amortir une chute de l’ac- tivité qui, sans eux, aurait été beaucoup plus dramatique encore. Les organisations et leurs salariés sont-ils culturellement prêts et de- mandeurs à accroître le recours au télétravail, potentielle source de gain de temps (passé dans les transports) et d’économie (en sur- faces de bureaux, en frais de dé- placement...) mais non sans risque (de désocialisation notamment) ? La seconde consiste à imaginer la répartition modale dans les mois qui vont suivre la pandémie. Se- rons-nous prêts à reprendre des métros ou des RER bondés après des semaines d’injonction officielle à laisser au moins un mètre de distance avec chacun de nos congénères ?
Selon les résultats d’une enquête réalisée en Chine par l’institut Ipsos et publiée le 12 mars dernier, le Coronavirus a tendance à renforcer le recours à la voiture, puisque 66% des chinois interrogés l’em- pruntent régulièrement depuis
l’épidémie, quand ils n’étaient que 34% avant (les transports collectifs s’écroulant quant à eux de 56 à 24%). N’est-il pas temps de consi- dérer que le confort minimum comme les règles sanitaires né- cessitent d’en finir avec l’entasse- ment des voyageurs à 4 personnes au mètre carré (si ce n’est plus) ? L’obligation probable du port du masque pour les passagers saura- t-elle empêcher la propagation du virus et vaincre les appréhensions ? En ville, n’est-ce pas le moment d’esquisser un nouveau partage de la voirie au profit des modes actifs (marche à pied et vélo), qui sont présentés par beaucoup comme à la fois plus économes en espace que la voiture et plus compatibles avec le respect de la « distanciation sociale » que les transports en commun ? Peut-on ainsi imaginer que les aménage- ments cyclables temporaires que de nombreuses agglomérations de par le monde ont mis en œuvre en mordant sur les voies motori- sées soient pérennisés ?
Enfin, la corrélation entre densité
de population et vitesse de pro- pagation du virus contribuera-t- elle à remettre en cause le dogme désormais bien établi selon lequel le développement durable passe nécessairement par la densification urbaine ? La Lozère et le Cantal, départements parmi les moins denses de France et épargnés par le virus ne sont-ils pas amenés à devenir les symboles de la néces- sité d’un aménagement plus équi- libré du territoire national ? Quand on a prouvé que le travail à distance est possible à grande échelle, qu’on peut aussi bien (et même mieux) vivre dans des grands espaces, l’épisode actuel n’est-il pas la dé- monstration que les territoires peu denses n’ont pas dit leur dernier mot ? Et ce malgré tout le challenge qu’ils représentent pour les trans- ports alternatifs à la voiture... z
ERWAN TERRILLON CONSULTANT EN MARKETING DES TRANSPORTS ET DE LA MOBILITÉ, OMNIBÜS CONSEIL
1) Cf. l’analyse du cabinet FCL publiée le 7 avril 2020 sur le site de la Gazette des Communes.
 MobILItés MagazIne 37 - MaI 2020 - 17
 























































































   15   16   17   18   19