Page 43 - MOBILITES MAGAZINE N°50
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      Abidjan
d’Ivoire, rôle transféré à Yamous- soukro voici près de 40 ans, elle n’en demeure pas moins le poumon économique et démographique du pays. C’est ainsi qu’elle concentre à elle seule 21 % de la population et 60 % du produit intérieur brut de Côte d’Ivoire. Avec plus de 4,7 millions d’habitants en 2014, Abidjan est la ville la plus peuplée d’Afrique de l’Ouest francophone et son agglomération est la troi-
Parmi les projets d’infrastructure qui doivent améliorer la mobilité
des Abidjanais, le métro est probablement le plus ambitieux : 37,5 km et
20 stations.
sième plus grande du monde fran- cophone derrière Paris et Kinshasa (devant Montréal).
Dans un rapport publié en 2019( 1), la Banque Mondiale soulignait ainsi « l’expansion économique galo- pante et ininterrompue » de l’éco- nomie ivoirienne, « l’une des plus dynamiques de la planète ». Cette situation a priori enviable a toute- fois ses revers : chaque ménage abidjanais perd plus de trois heures dans les transports et dépense en moyenne 1 075 francs CFA (1,64 €) par jour, ce qui est considérable dansunpaysoùprèsde46% des habitants vivaient avec moins de 750 francs CFA (1,14 €) par jour en 2015. Particulièrement conges- tionnée, Abidjan souffre aussi de la pollution liée au parc automobile âgé(2) et d’une insécurité routière préoccupante (24 morts par acci- dents de la route pour 100 000 habitants, contre 5 en France ou 3 au Royaume-Uni(3)). Le challenge que doit relever la métropole ivoi- rienne pour faciliter la mobilité de ses habitants est à la hauteur de son expansion démographique : avec 10 millions d’habitants atten- dus d’ici 2040, la Banque Mondiale souligne la nécessité d’une crois- sance économique plus inclusive.
Elle estime ainsi qu’une « amélio- ration de la mobilité à Abidjan de l’ordre de 20 % pourrait accroître la croissance économique du pays d’au moins 1 %, avec des gains proportionnellement plus élevés pour les plus démunis ».
Une mobilité africaine en mal
de financements publics
La situation d’Abidjan est analogue
à nombre de métropoles d’Afrique
sub-saharienne où les entreprises
publiques de transport ont périclité
en raison des difficultés écono-
miques et des politiques d’ajuste-
ment structurel mises en œuvre à
partir des années 1980. Le manque
de financement public conjugué à
des tarifs maintenus très bas sous
la pression des gouvernements
n’ont laissé aucun choix aux opé-
rateurs de transport public : ils ont
dû réduire drastiquement leur offre
et leurs services. Dans ces pays
où, aujourd’hui encore, la grande
majorité des ménages n’est pas
motorisée (environ 1 véhicule pour
10 ménages à Abidjan), la mobilité
est largement dépendante de l’offre
de transport collectif. Celle-ci se
contractant du côté des opérateurs
publics, et la nature ayant horreur
du vide, ce sont des acteurs arti-
sanaux et informels qui ont investi
ce secteur au moyen de minibus
(dénommés « gbakas »(4) et de
voitures à l’usage de taxis collectifs
(« wôro-wôros »(5)). Ceux-ci assu-
rent aujourd’hui plus de 58 % des
déplacements motorisés dans le
Grand Abidjan, contre 13 % pour
l’opérateur public de bus SOTRA
et 16 % pour la voiture particu-
(6) lière .
Ces opérateurs privés, constitués le plus souvent de propriétaires d’un ou de quelques véhicules seulement, ont ainsi permis aux citadins africains de continuer à se déplacer, mais au prix fort. Afin d’assurer leur rentabilité, les véhi-
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