Page 10 - MOBILITES MAGAZINE n°39
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 « commodity trap » ou le « piège de la commodité », un cercle vi- cieux tirant les prix vers le bas, rendant caduque la pérennité même du modèle économique.
Quelles solutions pour sortir de cette situation ?
Avec la crise, les trois principales sources de financement des trans- ports urbains vont être particuliè- rement sous tension. et il est peu probable que les collectivités puis- sent continuer indéfiniment à com- penser la baisse des recettes com- merciales ou du VM. Sortir du « piège de la commodité » sera donc certes difficile dans ce contexte mais un impératif vital pour assurer un avenir au transport public. Dans un article publié en 2007, John Quelch, professeur à la Harvard Business School, proposait trois pistes pour toute entreprise ou secteur d’activité confronté à cette situation.
Tout d’abord innover, ce que le transport public sait faire, par exem- ple dans les domaines de la tran- sition énergétique et digitale. L’in- novation devra d’abord et surtout avoir pour objectif de mieux servir les attentes des voyageurs en se différenciant favorablement à leurs yeux.
ensuite offrir des packages : le MaaS (Mobility as a Service) est à cet égard prometteur par l’inté- gration d’un ensemble de solutions de mobilité au sein d’un « bou- quet » dont l’accès est facilité pour l’utilisateur.
enfin, segmenter le marché. Il est pour cela indispensable de com- prendre qu’il n’y a pas de corrélation avérée entre le niveau général des tarifs et l’intensité de l’utilisation d’un réseau, tant nombre de pa- ramètres interviennent dans le choix du mode de transport. Les comportements modaux d’une ma- jorité de voyageurs sont en effet plus influencés par la qualité du
service offert (fréquence, ampli- tude, vitesse...) que par les prix, déjà faibles en comparaison de solutions concurrentes, voiture en tête. Il faut donc réserver les tarifs les plus bas aux voyageurs les plus sensibles aux prix (et pour lesquels cela s’avère socialement le plus juste) et se (re)donner des marges de manœuvres financières pour améliorer la qualité des ser- vices en les faisant payer à un « juste prix » par tous ceux qui en ont les moyens.
À défaut, le marché de la mobilité risque de se segmenter de lui-
même, laissant aux plus démunis et aux plus captifs (pour des raisons d’âge : les plus jeunes et les plus vieux, ou pour cause de handicap) des transports publics certes fi- nancièrement accessibles à leurs utilisateurs mais réduits aux obli- gations minimales d’un service public paupérisé, incapable d’aider à relever les défis du moment, ni même d’assurer sa propre sur- vie...z
ERWAN TERRILLON CONSULTANT EN MARKETING DES TRANSPORTS ET DE LA MOBILITÉ, OMNIBÜS CONSEIL
1) en 2016, il représentait en France hors Ile-de-France, 3 827 M€ pour 8 591 M€ de dépenses dont 7 217 M€ consa- crés au financement et 1 374 € à l’in- vestissement. Pour la Région Ile-de- France, le produit du VT représentait 42% du financement des services de mobilité (Source : Rapport du Sénateur Didier MANDeLLI au nom de la commis- sion d’aménagement du territoire et du développement durable sur le projet de loi d’orientation des mobilité, enregistré à la Présidence du Sénat le 6 mars 2019).
2) Chiffres uTP.
3) Investissements compris.
4) Voir notamment la position com- mune de la FNAuT et de l’uTP adoptée en 2014 « Pour un développement du- rable du service de transport public, non à la gratuité totale ».
 10 - Mobilités MAgAzine 39 - JuILLeT/AOûT 2020
  


















































































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